À trois mois du Mondial de soccer, les autorités brésiliennes vont occuper cette semaine une nouvelle favela de Rio, en proie à une guerre entre gangs rivaux, et envisagent d'envoyer l'armée dans d'autres favelas déjà «pacifiées» où le crime organisé se manifeste à nouveau.

Dans le cadre de la poursuite de son programme de pacification, la police va occuper jeudi à l'aube la favela Vila Kennedy dans la partie ouest de Rio, l'une des plus violentes de la ville, où vivent près de 100 000 personnes.

L'occupation sera conduite par les troupes d'élite du Bope et du Bataillon de choc qui installeront dans la favela la 38ème Unité de police pacificatrice (UPP) sur les 40 prévues d'ici au Mondial.

Elle intervient à un moment de grande tension alors qu'un caïd local a changé de camp et tente de prendre le contrôle de Vila Kennedy. Depuis un mois, les gangs rivaux s'affrontent et sèment la panique au sein de la population locale.

Vila Kennedy est un grand ensemble inauguré il y a 50 ans quand les habitants des favelas de la région du stade Maracana et de Botafogo (sud) y avaient été relogés.

Le gouvernement de Rio a lancé depuis 2008 une campagne de sécurisation en vue de la Coupe du monde de football (du 12 juin au 13 juillet 2014) et des jeux Olympiques en 2016.

Les autorités ont «reconquis» de nombreuses favelas, en particulier dans les quartiers sud touristiques, auparavant aux mains des trafiquants de drogue qui y faisaient la loi depuis des décennies, et y ont implanté ces UPP.

Mais depuis plusieurs semaines, la situation se détériore dans certaines UPP, dans lesquelles est constatée une recrudescence du crime organisé.

Au total 16 policiers ont été tués depuis janvier à Rio, et le 6 mars, un policier a été abattu à Nova Brasilia, l'une des favelas du Complexo do Alemao (nord), reprise en 2010 aux caïds dans le cadre d'une vaste opération qui avait compté plus de 2000 hommes appuyés par des blindés.

«Rien ne nous arrêtera»

Le secrétaire à la sécurité de Rio, José Mariano Beltrame, a annoncé que l'armée pourrait revenir occuper certaines favelas déjà «pacifiées» où les trafiquants résistent, comme c'est le cas à la Rocinha et à Pavao Pavaozinho, deux bidonvilles des quartiers sud touristiques.

«Nous pouvons faire appel à toutes les institutions : Marine, Armée, Aviation, Police Fédérale. Nous allons poursuivre le processus de pacification et rien ne nous arrêtera. Si nous voyons que nous avons besoin de quelque chose de plus consistant dans les occupations (des favelas), nous y recourrons», a souligné M. Beltrame dans une interview au quotidien O Globo dimanche.

Le ministre de la Défense, Celso Amorin, a déclaré de son côté n'avoir encore reçu «aucune sollicitation» de M. Beltrame, au cours d'une rencontre avec la presse étrangère mardi à Brasilia.

Il a rappelé que ce «type d'action des forces armées avait un caractère exceptionnel» comme dans le cas de l'occupation du Complexo do Alemao en 2010, où la situation était «très grave».

Les forces de l'ordre de Rio ont déjà réagi en lançant début février une grande offensive visant à arrêter des trafiquants. Lundi, huit suspects ont été arrêtés au Complexo do Alemao, dont un agent de sécurité du téléphérique de la favela qui était au service du crime organisé.

M. Beltrame estime que cette résurgence des trafiquants est due au fait qu'avec les UPP, les criminels perdent les revenus qu'ils engrangeaient alors qu'ils tenaient ces zones sous leur joug.

La pacification de Vila Kennedy a été anticipée et survient ainsi avant celle du Complexo da Maré, un ensemble de favelas situé près de l'aéroport international, pourtant prévue depuis plusieurs mois.

Avec Vila Kennedy, 38 UPP comptant plus de 9000 policiers auront été implantées dans 253 favelas, bénéficiant à plus de 1,5 million de personnes.

En six ans, les homicides ont chuté de 65% dans les favelas «pacifiées» et de 48% dans la métropole.