Le déhanchement, c'est maintenant ! Le Carnaval officiel de Rio de Janeiro, qui met en compétition douze écoles de samba, a vraiment débuté ce dimanche soir dans le majestueux Sambodrome qui fête ses 30 ans.

Depuis plusieurs jours, les «blocs» (groupes de quartier ou thématiques) répètent et défilent dans les rues au rythme de la samba; vendredi, la figure titulaire des festivités, le Roi Momo, a déclaré ouvert le Carnaval et «décrété la joie»; et samedi, le bloc le plus populaire, Bola Preta, a envahi le centre avec 1,3 million de personnes.

Mais dimanche soir, les choses sérieuses ont commencé avec un des spectacles les plus prisés du monde, télévisé pour le plaisir de millions de personnes sur la planète, et qui nimbe l'image de Rio et du Brésil tout entier d'une touche sexy et glamour, symbolisée par ces pulpeuses reines de beauté semi-nues aux parures et appâts les plus exubérants.

Beauté, créativité, harmonie, et bien sûr musique rythmée avec danse et chant, mais aussi talons interminables, costumes aussi lourds en poids qu'en investissement et trucs en plumes: tous les ingrédients de la magnificence convergent au Sambodrome.

Ce spectacle représente aussi un pays aux origines multiples, entre une tradition chrétienne importée par les Portugais et la samba aux racines africaines, tout en narrant des épisodes de l'histoire, du quotidien ou de l'imaginaire, parfois non sans humour.

C'est l'occasion pour Rio et le Brésil de mettre de côté, le temps de deux nuits féeriques, les retards dans les travaux des stades pour la Coupe du monde de football (12 juin-13 juillet), les incessants problèmes dans les transports, mais aussi la grande pauvreté et la forte criminalité qui gangrènent ce pays continental.

Même si, fausse note, une manifestation de mille éboueurs a été refoulée samedi des abords du Sambodrome à coups de gaz lacrymogènes par la police militaire. Leur grève sauvage dimanche a laissé les rues du centre jonchées de détritus et empuantées d'une odeur pestilentielle.

Pour les dizaines de milliers de protagonistes, c'est désormais le jour J après une année de travail sur la scénographie, la conception des costumes, la fabrication des chars allégoriques, etc.

Favelas, Zico, Niemeyer

Six écoles de samba ont commencé à défiler à partir de 21h00 et jusqu'au petit matin, à raison de 82 minutes au maximum pour chacune; les six autres devaient le faire lundi soir. Ces douze-là forment le «Groupe spécial», c'est-à-dire la première division des écoles de samba, sachant qu'il y a plus de ces 70 écoles à Rio, réparties en sept divisions.

Le vice-champion en titre, Beija-Flor, fermera la marche dimanche, tandis que le champion 2013, Vila Isabel, passera en troisième position lundi. Les résultats des 40 juges seront annoncés mercredi, sur la base de notes couvrant une dizaine de critères.

Dimanche soir, l'école Imperio da Tijuca a ouvert le bal en rendant hommage aux origines africaines de la batucada (percussions brésiliennes), avec par exemple une statue géante de joueur de tambour et des danseuses disposées sur ses instruments, et des références très précises (telle initiation masculine du Mozambique, telle fête d'origine angolaise...).

Parmi les autres thèmes abordés: l'origine et le quotidien des favelas (Sao Clemente) et les fêtes brésiliennes (Mangueira). Lundi, le clou du spectacle pourrait être l'hommage à la légende du «jogo bonito» (beau jeu) du foot, le «Pelé blanc» Zico.

Ces festivités se donnent rendez-vous dans le vaste Sambodrome Marquês de Sapucai, récemment rénové pour accueillir la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques 2016.

Ce lieu tout en béton de 720 mètres de long, aux formes épurées, avec deux tribunes en vis-à-vis accueillant 70.000 spectateurs, fêtera avec pompe ses 30 ans, depuis sa conception par le célèbre architecte carioca Oscar Niemeyer, décédé en décembre 2012.

Il se situe dans la zone considérée comme le berceau de la samba. Non loin se trouve l'ancien quartier «Pequena Africa (petite Afrique), où se concentraient les immigrés noirs venus de Bahia (nord-est) qui y ont importé la musique du candomblé célébrée sur une danse nommée samba.

Le Sambodrome se trouve aussi à proximité de la place Onze, où a été fondée la première école de samba, «Deixa Falar» (laisse parler), en 1926, plus tard dissoute puis relancée sous le nom de Estácio de Sá.