Confronté à trois semaines de protestation contre sa gestion et de manifestations étudiantes émaillées de violences, le président vénézuélien Nicolas Maduro doit ouvrir mercredi un dialogue national dont le grand absent sera le chef de file de l'opposition, Henrique Capriles.

Les modalités de cette conférence «pour la paix», à laquelle «tous les courants sociaux, politiques, corporatistes, religieux» ont été invités, n'ont toutefois pas été précisées par l'héritier politique d'Hugo Chavez, élu il y a 11 mois. La réunion doit avoir lieu dans l'après-midi au palais présidentiel.

Henrique Capriles, battu d'un cheveu par M. Maduro à l'élection présidentielle d'avril, a déjà annoncé qu'il n'y participerait pas, dénonçant les exactions des forces de l'ordre contre les manifestants.

Je ne ferai pas «partie de la clique, ce que nous voulons, c'est avancer (...) Le gouvernement parle de dialogue, parle de paix, mais il ne doit pas s'agir d'un appel dans le vide, (...) d'aller au palais (présidentiel) de Miraflores pour se faire prendre en photo», a-t-il déclaré mercredi sur une radio locale.

De son côté, la Table de l'unité démocratique (MUD), principale coalition de l'opposition dont le parti de M. Capriles est membre, doit se prononcer à la mi-journée sur sa participation.

En décembre, M. Maduro avait déjà appelé les maires et gouverneurs d'opposition à un dialogue sur le thème de l'insécurité, auquel il n'a jamais donné suite.

Mais le président affirme être convaincu que «de grands accords vont être conclus» au cours de cette conférence. Le patronat, très critique envers le gouvernement, et l'épiscopat ont déjà confirmé leur participation. En revanche, les leaders étudiants et les recteurs des universités ne semblaient pas avoir été invités, selon des informations recueillies par l'AFP.

Cette initiative intervient au lendemain d'une nouvelle marche à l'appel des étudiants vénézuéliens qui a faiblement mobilisé, illustrant un certain essoufflement du mouvement lancé le 4 février pour protester contre la gestion de l'héritier politique d'Hugo Chavez (1999-2013).

Le calme régnait mercredi à Caracas après une nuit seulement émaillée de quelques incidents. Des marches pro et anti-gouvernement étaient toutefois prévues dans le centre-ville. Les autorités ont appelé les paysans à se mobiliser alors que la députée de l'opposition Maria Machado devait mener un défilé de femmes en blanc.

Mardi, de nouvelles barricades et des heurts entre jeunes gens masqués et forces de l'ordre ont été signalés par les autorités dans certaines villes des États d'Aragua (centre), de Zulia et de Tachira (ouest). C'est à San Cristobal, capitale du Tachira et berceau du mouvement, que les heurts entre manifestants et forces de l'ordre ont été les plus fréquents.

Le bilan des violences survenues depuis le début du mouvement est de 14 morts, dont au moins huit par balle, et de 140 blessés. Le ministère public a ouvert une douzaine d'enquêtes sur des cas d'abus présumés, et a écroué neuf militaires et policiers.

Le pape, Washington et l'OEA préoccupés

Mercredi à Rome, le pape François a lancé un appel aux responsables politiques et au peuple vénézuélien, très majoritairement catholique, pour que «le pardon réciproque et un dialogue sincère» l'emportent.

«J'espère vivement que cessent aussi vite que possible les violences et les hostilités et que tout le peuple vénézuélien, à commencer par les responsables politiques et institutionnels, se mobilise pour favoriser la réconciliation nationale», a ajouté le pape argentin.

Lundi soir, Washington avait déjà fait part de son «inquiétude» et appelé à un «dialogue authentique».

De son côté, l'OEA (organisation des États américains) a programmé jeudi une session extraordinaire de son Conseil permanent afin d'étudier une proposition panaméenne visant à convoquer un sommet ministériel régional sur le Venezuela.

Soutenu par une partie de l'opposition, le mouvement étudiant était initialement focalisé sur l'insécurité, critique dans cet État pétrolier, avant d'étendre ses revendications aux thèmes de la crise économique, des fréquentes pénuries de produits de première nécessité et de la répression policière.

Les étudiants protestataires réclament aussi la libération des personnes arrêtées en marge des violences, dont l'opposant radical Leopoldo Lopez, écroué depuis une semaine et accusé d'incitation à la violence.

Cette grogne a mobilisé un maximum de 50 000 personnes samedi à l'appel d'Henrique Capriles, alors que le pays compte officiellement 2,6 millions d'étudiants.

Reçu à la présidence lundi avec d'autres gouverneurs, l'opposant Henri Falcon, à la tête de l'État de Lara (nord-ouest), a exhorté M. Maduro à mettre fin à sa politique de confrontation et à reconnaître que «le Venezuela traverse une crise économique».