Pour la deuxième fois dans la même semaine, Caracas sera samedi le théâtre d'une double mobilisation, l'opposition manifestant contre les intimidations de groupes armés non identifiés, le pouvoir convoquant en réponse une marche de soutien des «femmes chavistes».

Vendredi, des témoignages concordants d'opposants et de la presse locale ont rapporté des actes d'intimidation perpétrés durant la matinée par des civils armés dans la ville de Valencia (nord), où avait lieu un rassemblement après la mort par balles d'une manifestante en début de semaine.

Le Venezuela est agité depuis plus de 15 jours par une vague de contestation étudiante entamée en province et appuyée par l'opposition au président socialiste Nicolas Maduro portant sur l'insécurité et la vie chère.

Les manifestations ont fait huit morts et 137 blessés tandis qu'une centaine de personnes ont été arrêtées, selon un nouveau bilan officiel communiqué vendredi.

Dans l'État de Tachira (ouest), «des groupes sont passés à moto en tirant» sur des habitants qui protestaient contre le gouvernement en frappant sur des casseroles à leur fenêtre, a dénoncé la dirigeante étudiante Gaby Arellano, de l'Université des Andes.

À San Cristobal, capitale de Tachira et épicentre de la contestation le 4 février, commerces fermés et vestiges de barricades sont le lot quotidien depuis plusieurs jours.

La ville, placée sous forte surveillance militaire, était calme vendredi, a constaté un photographe de l'AFP. Le mot «paix» était lisible sur un vieux cher d'assaut exposé comme monument et vandalisé par des protestataires.

Le président Nicolas Maduro, qui affronte la plus importante vague de contestation depuis son élection de justesse en avril dans la foulée du décès de son mentor Hugo Chavez, a de son côté confirmé jeudi soir le décès d'un homme à Barquisimeto (ouest), portant à cinq le nombre de victimes depuis le début des troubles.

L'État de Tachira, frontalier avec la Colombie, est l'une des zones les plus agitées et le gouvernement, qui qualifie les événements actuels de tentative de coup d'Etat, y a déployé un bataillon de parachutistes, arguant de la présence de «paramilitaires colombiens».

CNN interdit

Dans les manifestations, «il y a beaucoup de groupes armés qui ne semblent pas appartenir aux corps de sécurité de l'État. Je ne comprends pas pourquoi (ils) peuvent agir librement, impunément (...) Le gouvernement doit discipliner ces groupes», avait plaidé jeudi l'archevêque de Caracas Jorge Urosa, sur la télévision Globovision.

Des journalistes de l'AFP ont observé dans la nuit de mercredi à jeudi dans l'est huppé de Caracas, bastion opposant, des groupes d'hommes au comportement intimidant envers les manifestants circuler à bord de pick-up équipés de mégaphones, escortés par plus d'une douzaine de motos, sans aucune identification.

M. Maduro, qui a fermement nié l'existence de milices dans son camp, a revanche évoqué le recrutement de «mercenaires» par une opposition «putschiste» et promis de «chasser du "chavisme"» ses partisans armés.

De son côté, la principale figure de l'opposition, le gouverneur et ancien candidat présidentiel Henrique Capriles, est sortie de sa réserve de ces derniers jours pour appeler à manifester samedi à Caracas contre «les groupes paramilitaires» et la violence.

Jusqu'à présent, ce sont les représentants les plus radicaux de l'opposition, parmi lesquels le fondateur du parti Voluntad Popular (droite), Leopoldo Lopez, placé en détention provisoire pour sa participation à une manifestation violente le 12 février, qui occupaient le terrain politique, prônant la pression dans la rue pour faire chuter le gouvernement.

Réservé quant à cette stratégie, M. Capriles a estimé récemment que les conditions n'étaient «pas réunies» pour obtenir le départ de M. Maduro.

Sur la télévision d'État, le pouvoir appelle lui «les femmes» à se réunir des 09H00 (13H30 GMT) dans le centre de Caracas «contre le fascisme».

Déclenchée par la tentative de viol d'une étudiante sur le campus à San Cristobal, la mobilisation a peu à peu dérivé des revendications sur l'insécurité vers la critique plus générale de la situation du pays, touché par une inflation record et des pénuries récurrentes, ainsi que des appels à libérer les manifestants interpellés ou des dénonciations contre la censure des médias.

Mettant à exécution les menaces la veille de M. Maduro, les autorités ont d'ailleurs retiré leurs accréditations aux journalistes de la télévision américaine d'information en continu CNN, accusée de chercher à montrer que le Venezuela se trouve en état de «guerre civile», a indiqué vendredi après-midi sur Twitter la correspondante de la chaîne, Osmary Hernandez.

La semaine dernière, le gouvernement avait déjà interdit la chaine colombienne NTN24 pour avoir alimenté «l'angoisse» de la population en couvrant les violences ayant suivi une manifestation.