Un appel à la mobilisation lancé par les autorités au Venezuela, en réponse aux manifestations d'étudiants et d'opposants la veille ayant fait trois morts, s'est soldé jeudi par une faible participation.

Des unités de la police anti-émeutes surveillaient les points stratégiques de Caracas tandis que de petits groupes d'étudiants opposés au gouvernement du président Nicolas Maduro organisaient de petites marches, au lendemain d'une mobilisation de l'opposition qui s'est conclue dans le sang.

À la mi-journée, dans le centre de la capitale, une poignée de manifestants ayant répondu à l'appel des autorités à participer à «une marche anti-fasciste» pour dénoncer «la violence de l'opposition» s'éparpillaient dans le calme.

À la même heure, des journalistes de l'AFP ont observé un groupe d'environ 200 étudiants converger vers la place Altamira, dans les quartiers est, lieu traditionnel des rassemblements anti-chavistes.

Mercredi, des manifestations de milliers d'étudiants et de militants de l'opposition protestant contre la vie chère, l'insécurité et les pénuries ont été organisées dans plusieurs villes du pays.

Cette marche s'inscrivait dans la continuité d'un mouvement étudiant lancé en province, où des heurts ont opposé les étudiants aux policiers et à des groupes pro-gouvernementaux depuis une dizaine de jours.

«Canaliser le mécontentement»

La manifestation de Caracas, la plus importante depuis que Nicolas Maduro a succédé en mars à Hugo Chavez (1999-2013), s'est achevée par des affrontements entre jeunes opposés au gouvernement et policiers ou groupes «chavistes» qui ont fait au moins trois morts par balles.

Les autorités ont également fait état de dizaines de blessés et d'environ 80 arrestations à travers le pays.

«Nous allons canaliser le mécontentement, mais je ne vais pas vous mentir, les conditions ne sont pas réunies pour obtenir le départ du gouvernement», a déclaré jeudi la principale figure de l'opposition, le gouverneur Henrique Capriles, au cours d'une conférence de presse.

«Le gouvernement doit assumer sa responsabilité pour ce qui est s'est passé hier (mercredi)», a exigé le gouverneur, condamnant les affrontements entre manifestants et partisans du pouvoir.

Nicolas Maduro a donné l'ordre mercredi soir de renforcer la sécurité dans les principales villes du Venezuela.

«Il n'y aura pas de coup d'État au Venezuela, ayez-en la certitude absolue. La démocratie continuera, la révolution continuera», avait affirmé le président vénézuélien dans une allocution radio-télévisée.

«S'exprimer n'est pas un coup d'État (...) Un civil ne commet pas un coup d'État», a répliqué Henrique Capriles jeudi.

Depuis quelques semaines, le gouvernement fait face à une grogne croissante dans un contexte de forte inflation (56,3% en 2013), de pénuries récurrentes frappant les denrées alimentaires ou les produits de consommation courante et d'une insécurité que les autorités ne parviennent pas à juguler.

Mandat d'arrêt contre un opposant

Dans le cadre de ce qui ressemble à une contre-offensive après la mobilisation de l'opposition, les autorités ont également annoncé jeudi l'émission d'un mandat d'arrêt contre un des principaux opposants, Leopoldo Lopez.

M. Lopez, 42 ans, est accusé d'homicide et d'association de malfaiteurs, selon le journal El Universal.

Leader de Volonté populaire, une des principales composantes de la coalition de l'opposition, M. Lopez fait partie d'un petit groupe d'opposants prônant la contestation dans la rue, sous le mot d'ordre «La Sortie».

M. Lopez se trouve «chez lui, avec ses avocats. Il reste au Venezuela, et va faire face parce qu'il n'a rien à craindre, parce qu'il va continuer de sortir manifester dans la rue», a affirmé dans la journée Carlos Vecchio, un des responsables de son parti.

Mercredi, des jeunes ont incendié plusieurs véhicules de police et s'en sont pris aux forces de l'ordre, qui ont répliqué à coups de gaz lacrymogènes. Un photographe de l'AFP a pu voir des hommes armés circulant à moto tirer en direction des manifestants.

Du côté des médias, la chaîne de télévision colombienne d'informations NTN24, qui a assuré une large couverture des événements de mercredi, avait disparu des canaux des deux opérateurs par câble qui la diffusaient.

Les autorités n'avaient pas réagi jeudi à ce sujet, mais le Conseil national des Télécommunications avait auparavant menacé de sanctions les médias qui feraient «la promotion de la violence».

Mercredi, des militants pro-gouvernementaux s'en sont pris à des journalistes, dont une équipe de l'AFP et d'une autre agence de presse, à qui ils ont dérobé deux caméras. Au cours de l'incident impliquant l'équipe de l'AFP, la police était présente sur les lieux mais n'est pas intervenue.