Dans un message très ferme, la guérilla des Farc a désavoué vendredi une partie de ses combattants pour un attentat ayant tué un civil en Colombie. Une première depuis l'ouverture du processus de paix avec les autorités, qui se déroule à Cuba.

Le haut commandement des Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc) n'a pas lésiné sur les termes dans le communiqué totalement inédit publié sur son site internet: «rejet et condamnation pour ce type d'actes».

Le 16 janvier dernier, l'explosion d'un véhicule piégé en pleine rue devant le commissariat de Pradera, une localité du département du Valle del Cauca (ouest), avait tué un civil et blessé plus d'une vingtaine de personnes.

Le gouvernement avait aussitôt attribué cet attentat à la rébellion marxiste, malgré l'absence de revendication, dans cette province propice aux trafics, une région bordant l'océan Pacifique où elle est particulièrement implantée.

Le ministre de la Défense Juan Carlos Pinzon avait accusé la première rébellion colombienne de «se comporter comme Al-Qaïda», tandis que le président Juan Manuel Santos avait fustigé une «manière d'agir irrationnelle et contradictoire de la part des Farc».

Dans sa mise au point, la guérilla, qui concède rarement ses erreurs face aux autorités, se livre à une confession détaillée.

«Les responsables n'ont jamais eu l'intention de causer un quelconque dommage à la population civile non combattante, mais cela ne leur enlève pas leur responsabilité de n'avoir pas prévu les effets sur elle» de cet acte, assure sa direction.

«C'est la première fois qu'ils condamnent un attentat. Non seulement ils formulent un reproche mais en plus ils précisent que ce n'est pas la manière de faire la guerre», a déclaré à l'AFP Jorge Alberto Restrepo, directeur du Centre de recherche pour l'analyse du conflit (Cerac).

«Dissidence»

Les Farc, qui mènent depuis novembre 2012 des négociations de paix avec le gouvernement de M. Santos, assurent en outre qu'elles appliqueront les «corrections disciplinaires qui conviennent».

Cet épisode semble confirmer l'existence d'une certaine forme de division au sein de la rébellion ou du moins de la difficulté de communications entre ses chefs présents à La Havane pour des pourparlers et les différents fronts, présents sur le terrain en Colombie.

L'attentat de Pradera montre «une certaine forme de dissidence de la part de colonnes mobiles des Farc» sur lesquelles la direction n'a «pas un contrôle logistique total», avait confié sur le moment M. Restrepo.

La mise au point des Farc est «un fait historique qui confirme qu'elles sont fragmentées», selon le politologue et universitaire colombien Jairo Libreros.

Un autre attentat similaire attribué à la guérilla avait choqué le pays en décembre dernier: une attaque à l'explosif avait tué huit personnes, dont deux civils, dans le petit village d'Inza, dans la province du Cauca, dans le sud-ouest du pays.

Le directeur de la police colombienne, le général Pablo Rodriguez, y avait alors vu «la preuve une nouvelle fois que les Farc mènent des actions terroristes de façon non discriminatoire.

Plus récemment, dans cette même province, un tir de «tatuco», un missile artisanal avait détruit une maison dans le secteur de Toribio, tuant une mère de famille.

Alors que l'armée colombienne a accentué son offensive, les négociations avec la plus ancienne guérilla d'Amérique latine se poursuivent, même si le délégué des rebelles à Cuba, Ivan Marquez, a reproché aux autorités de se livrer à «une escalade de la guerre».

Le président Santos exclut tout cessez-le-feu, avant de parvenir à un accord final, dans le but de maintenir la pression militaire sur la rébellion.

Ces pourparlers de paix, quatrième tentative de dialogue avec les Farc dans l'histoire du pays, visent à résoudre un conflit qui a fait plusieurs centaines de milliers de victimes et plus de quatre millions de déplacés en près de cinquante ans.

Fondées en 1964, les Farc, issues d'une insurrection paysanne, comptent encore selon les autorités entre 7000 et 8000 combattants, essentiellement repliés dans les régions rurales de la Colombie.