Le premier ministre haïtien, Laurent Lamothe, a rencontré les médias hier pour faire le bilan de l'avancement de la reconstruction dans son pays, quatre ans après le terrible séisme qui a frappé Port-au-Prince et sa région. Notre journaliste sur place s'est entretenu avec lui.

Face à la mer, dans l'ancien édifice de l'ambassade des États-Unis, les locaux temporaires du premier ministre d'Haïti se cachent derrière de grands murs bétonnés. La poussière et le semblant de chaos qui caractérisent le centre-ville, parent pauvre de la reconstruction haïtienne, contrastent avec le chic de ces locaux à la fine pointe de la technologie.

Avec une heure de retard, le premier ministre Laurent Lamothe s'assoit enfin, iPad à la main. Pendant deux heures, il fera défiler sur un grand écran, qu'il contrôle à distance depuis son appareil, les réalisations de son gouvernement, en poste depuis près de deux ans. Les projets de terrains de basket y côtoient des lycées pouvant accueillir 800 élèves et de nombreuses nouvelles routes.

L'occasion est belle de faire bonne impression sur la presse étrangère et de tenter de changer l'image de ce pays qui peine à relever son économie. Le produit intérieur brut augmente à pas de tortue: à peine 4% l'année dernière alors qu'on en prévoyait près du double.

Priorité au tourisme

Le gouvernement mise principalement sur le tourisme pour assurer cette relance. Ainsi, 25 millions sont investis dans la construction d'un aéroport à l'Île-à-Vache, sur la côte Sud, où des investisseurs privés érigeront deux nouveaux hôtels de luxe. De grands projets de rénovation des sites touristiques et des routes y donnant accès sont prévus dans sept régions prioritaires.

Par comparaison, 1 million de dollars a été alloué l'année dernière à des projets d'infrastructure dans le célèbre bidonville de Cité Soleil et 5 millions dans un bidonville de Pétion-Ville, à l'est de la capitale.

«Il y a toujours un risque [que les touristes] ne viennent pas, mais le plus grand risque serait de ne pas essayer», explique-t-il à La Presse.

La grande pauvreté existe aussi en République dominicaine ou à Cuba, ce qui n'empêche pas les étrangers de s'y rendre pour leurs vacances. D'où le sentiment d'urgence du gouvernement pour changer l'image du pays et en améliorer les infrastructures touristiques, qui freinent souvent l'élan des visiteurs potentiels.

L'une des grandes fiertés du gouvernement est l'amélioration de la situation sécuritaire d'Haïti. La formation des policiers s'est grandement améliorée, avec l'aide de policiers canadiens et québécois, entre autres. Ainsi, le nombre d'enlèvements est en baisse de moitié par rapport à 2012. Le taux de meurtres par 1000 habitants, déjà très bas par rapport à celui de la république voisine, a lui aussi diminué de près du tiers.

Peu de logements sociaux ont été construits jusqu'à présent, mais près de 10 000 d'entre eux sont prévus cette année par différentes organisations partenaires du gouvernement. Haïti souffre d'un déficit de 500 000 logements, selon des études réalisées à la suite du séisme de 2010. Le premier ministre explique ainsi qu'il compte surtout investir l'argent public dans les services pour permettre aux gens de construire eux-mêmes leur maison, à l'aide d'un code de la construction parasismique publié l'année dernière.

Les défis sont encore énormes, mais l'optimisme semble de mise pour Laurent Lamothe.

«Pour la première fois dans l'histoire de ce pays, il y a un viaduc qui se construit, par exemple. C'est un peuple qui veut voir son pays avancer et qui veut voir des opportunités.»