Le président de la Colombie, Juan Manuel Santos, a reconnu jeudi pour la première fois la responsabilité de l'État dans de «graves violations des droits de l'homme» commises dans le cadre du conflit armé qui secoue le pays depuis un demi-siècle.

«L'État colombien a été responsable, parfois par omission, parfois de manière directe, de graves violations des droits de l'homme et d'infractions au droit humanitaire international durant ces 50 ans de conflit armé interne», a déclaré M. Santos dans un discours devant la Cour constitutionnelle.

«Notre devoir comme agents de l'État est de garantir et protéger les droits de tous les citoyens. C'est pourquoi, notre responsabilité est si grande», a-t-il insisté.

Le chef de l'État intervenait devant la Cour constitutionnelle afin de défendre une réforme judiciaire cruciale pour le succès du processus de paix, ouvert depuis novembre avec la guérilla marxiste des Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc), afin de mettre fin au conflit le plus vieux d'Amérique latine.

Approuvée par le Congrès l'an dernier, cette réforme baptisée «Cadre juridique pour la paix», qui doit encore recevoir l'aval de la Cour constitutionnelle, prévoit notamment la possibilité de suspension de peines de prison pour les guérilleros repentis.

Cette réforme a suscité la préoccupation de plusieurs organismes humanitaires comme Human Rights Watch (HRW) ou la Commission colombienne de Juristes, qui considèrent qu'elle risque de se traduire par l'impunité pour de nombreux guérilleros.

Les principaux dirigeants des Farc ont déjà été condamnés, le plus souvent par contumace, à de lourdes peines de prison ferme. Avant l'ouverture des négociations de paix, le parquet colombien avait suspendu plusieurs mandats d'arrêt à l'encontre de chefs de la rébellion, afin de leur permettre de participer aux discussions.

Le projet de loi a suscité la préoccupation de plusieurs organismes humanitaires comme Human Rights Watch ou la Commission colombienne de Juristes, qui considèrent qu'elle risque de se traduire par l'impunité pour de nombreux rebelles repentis.

Cette réforme cherche à construire une stratégie réaliste et transparente qui permette de répondre de la meilleure des manières aux droits de toutes les victimes», a plaidé M. Santos, réfutant le terme d'«impunité».

Délocalisés à Cuba, les pourparlers avec les Farc, qui compte encore 8000 combattants selon les autorités, abordent plusieurs points sensibles comme la nécessité d'une réforme rurale, le trafic de drogue, l'abandon des armes, mais aussi la participation de la guérilla à la vie politique et la réparation pour les victimes.

En cinquante ans, le conflit interne, qui a mis en scène des guérillas communistes comme les Farc et l'ELN (Armée de libération nationale), des milices paramilitaires comme les AUC (Auto-défenses unies de Colombie) aujourd'hui démobilisées ainsi que des bandes criminelles, a fait plusieurs centaines de milliers de morts et près de 4 millions de déplacés.

Des membres de l'armée ont aussi été impliqués, notamment via leurs liens avec les milices, dans la mort de civils, présentés parfois comme des guérilleros morts au combat.

Le président Santos a également averti que les combattants repentis des guérillas ou des AUC devaient eux aussi «assumer leur propre responsabilité», estimant que c'était «fondamental» afin de «se diriger vraiment vers la fin du conflit».