En proposant de donner la parole au peuple via un référendum, la présidente brésilienne Dilma Rousseff s'est donné le beau rôle face à la fronde sociale, rejetant par avance la responsabilité de tout blocage sur un parlement et des pouvoirs locaux discrédités, selon des analystes.

En première ligne et jusqu'à présent dépassée par les événements, Mme Rousseff a fait lundi une série de propositions allant dans le sens des jeunes protestataires de la classe moyenne, très remontés contre la classe politique.

Elle a annoncé le déblocage de 18,5 milliards d'euros pour les transports en commun, des améliorations dans le secteur de la santé et un pacte pour l'Éducation qui reprend son projet, bloqué au parlement, de consacrer 100% de la manne pétrolière à un système éducatif défaillant.

Elle a surtout fait une proposition hardie: demander l'aval du peuple par référendum à une réforme politique profonde qui serait confiée à une assemblée constituante aux contours non précisés.

«La présidente a repris le leadership en partageant ses responsabilités avec le Congrès, les gouverneurs et les maires. Si ses projets ne sont pas appliqués, elle pourra dire que c'est de leur faute», commenté pour l'AFP Alberto Carlos Almeida, analyste politique de l'Institut Analise.

Pour ce spécialiste, le principal problème, c'est que l'amélioration des services publics et la réforme politique sont des processus lents alors que la rue est «impatiente».

Sur les réseaux sociaux, vecteur de mobilisation et agora des protestataires, le scepticisme demeurait. Mais la proposition de référendum suscitait une certaine sympathie.

«Les promesses ne nous suffisent pas», a écrit le groupe Anonymous Rio, tout en se félicitant de l'idée du référendum.

«Rousseff a repris à son compte les revendications de la rue, le problème, c'est sa méthode», estime Ricardo Sennes, directeur associé du cabinet de consultants Prospective.

«Elle s'est engagée sur une chose qui n'est pas de son ressort, mais de celui du Congrès - seul habilité à convoquer un référendumm- sans la négocier avant et en prenant le risque de la voir rejetée», ajoute-t-il.

Les partisans d'une réforme politique au Brésil y voient le seul moyen de régler les problèmes endémiques de la république fédérale: scandales de corruption, manque de transparence des campagnes électorales, petites combines entre amis de circonstances.

Sans parler d'un mode de scrutin à la proportionnelle, qui prive pratiquement toujours le parti présidentiel d'une majorité parlementaire claire, le forçant à s'allier à des formations politiques idéologiquement éloignées ou de nature régionale et clientéliste.

La réforme politique est un vieux projet du Parti des travailleurs (PT, gauche), qui n'est jamais parvenu à la faire approuver depuis 10 ans qu'il est au pouvoir.

En 2007, le PT avait donné son feu vert au principe d'une assemblée constituante pour mener ce projet à bon port. L'ex-président Luiz Inacio Lula da Silva avait promis de lutter pour sa mise en oeuvre... après avoir quitté le pouvoir en 2010.

La présidente a multiplié mardi les consultations en vue d'avancer sur ce projet, avec le président du Sénat, Renan Calheiros, et celui du Tribunal suprême, Joaquim Barbosa, qui a acquis une énorme popularité en conduisant l'an dernier de façon inflexible le procès pour corruption politique du «Mensalao».

Premier noir à avoir atteint le sommet de la hiérarchie judiciaire au Brésil, M. Barbosa a fait condamner à de lourdes peines de prison d'ex-ministres et dirigeants du PT pour avoir  acheté au Parlement les votes de députés de partis alliés pendant le premier mandat de Lula.

Le projet présidentiel suscite beaucoup de réticences.

«Ce serait très intéressant pour le Brésil de pouvoir compter sur une constituante chargée d'effectuer les changements dont le pays a besoin. Le problème est technique : la Constitution ne le permet pas. Les révisions constitutionnelles ne se font pas par référendum ni à travers une constituante», analyse Joao Antonio Wiegerink, professeur de droit constitutionnel.

L'opposition a accusé dans un communiqué commun la présidente de «détourner l'attention» au lieu de répondre aux problèmes sociaux.