La mobilisation des jeunes Brésiliens contre le prix des transports et les sommes colossales dépensées pour le Mondial de soccer en 2014 ne faiblit pas au lendemain des plus grandes manifestations depuis 20 ans marquées par le chaos et la fureur à Rio.

Galvanisés par l'amplitude des manifestations de lundi qui ont rassemblé plus de 250 000 personnes dans les principales villes du pays, les jeunes appellent sur les réseaux sociaux à de nouvelles marches.

Une manifestation est convoquée mardi après-midi dans la mégapole de Sao Paulo, où 65 000 manifestants ont défilé pacifiquement lundi, avant que des incidents n'éclatent en soirée devant le siège du gouvernement local.

Une autre manifestation pourrait avoir lieu dans la capitale Brasilia, dont les abords du parlement ont été investis la veille par une foule euphorique.

«Gouvernement inquiet»

La journée de jeudi sera plus préoccupante, avec des marches prévues dans plusieurs villes du pays, notamment à Rio de Janeiro.

Cette dernière coïncidera avec le match Espagne-Tahiti, comptant pour la Coupe des Confédérations de soccer, répétition générale en miniature du Mondial qui se déroule dans six villes du pays jusqu'au 30 juin.

«Le gouvernement est inquiet», a admis lundi soir le chef de cabinet de la présidence Gilberto Carvalho, mettant en garde contre toute exploitation partisane «d'un côté ou de l'autre».

Peu après, la présidente Dilma Rousseff affirmait que «les manifestations pacifiques sont légitimes et propres à la démocratie» et que «c'est le propre de la jeunesse de manifester».

Les énormes cortèges de lundi ont pris de court les autorités qui ont misé sur l'organisation des grands événements sportifs - Mondial 2014 puis Jeux Olympiques de Rio en 2016) pour démontrer au monde entier le dynamisme du pays et en profiter pour moderniser ses infrastructures.

À Rio, la protestation la plus massive a réuni 100 000 personnes, en grande majorité pacifiques. Mais elle a dégénéré quand des groupes de radicaux se sont livrés au pillage, à la destruction, et ont pris d'assaut le siège du Parlement de l'État de Rio. Vingt policiers ont été blessés, ainsi que plusieurs manifestants, dont deux par armes à feu, dans des scènes nocturnes de chaos et de furie.

Brésil n'avait plus assisté à des protestations aussi massives depuis celles des Caras pintadas (visages peints) dirigées en 1992 contre la corruption du gouvernement de l'ex-président Fernando Collor de Mello, qui s'étaient déroulées sans violences.

«La différence est qu'il y a eu une réaction disproportionnelle et agressive de la part de la police à Rio et Sao Paulo» lors des premiers rassemblements la semaine dernière, souligne l'un des anciens leaders des «caras pintadas», Lindbergh Farias, aujourd'hui sénateur du Parti des Travailleurs (PT, au pouvoir).

«C'est une protestation contre l'autoritarisme», selon M. Farias cité par le quotidien O Dia.

«Pas de bannières politiques»

Selon un sondage de l'institut Datafolha diffusé mardi, 84% des manifestants à Sao Paulo n'appartiennent à aucun parti politique. 77% ont fait des études supérieures et 22% sont encore étudiants.

«La situation est encore un peu confuse. Des manifestations de ce type mobilisent beaucoup de monde et deviennent incontrôlables des deux côtés: il y a excès de la police et de certains manifestants», affirme mardi à l'AFP l'expert en violence de l'Université de Rio (Uerj), Alba Zaluar.

«Il est intéressant de relever que les jeunes ne voulaient pas de drapeaux de partis politiques. Ils souhaitent un mouvement plus ouvert, mais cela attire aussi des voleurs, des agitateurs et des casseurs, comme en Europe», explique-t-elle.

«Avec la Coupe des Confédérations, le monde a les yeux tournés vers le pays, mais je suis perplexe. Je me demande pourquoi ces jeunes n'ont pas manifesté plus tôt. Exiger plus de santé et éducation au lieu d'investissements dans les stades, tout le monde est pour. Nous allons voir comment cela évolue», ajoute Mme Zaluar.

La fronde se développe alors que le Brésil, après des années de vigoureux développement économique et social, est en panne de croissance sur fond de poussée inflationniste.

La popularité du gouvernement a chuté de huit points en juin pour la première fois depuis l'élection à la présidence en 2011 de Mme Rousseff.

À l'écoute



La présidente brésilienne Dilma Rousseff s'est déclarée mardi à l'écoute des «voix de la rue».

«Mon gouvernement écoute ces voix en faveur du changement», a-t-elle déclaré lors d'un discours au Palais présidentiel à Brasilia.

Photo NELSON ALMEIDA, AFP