Le président d'Équateur, Rafael Correa, a défendu samedi une nouvelle loi sur la communication qui réduit l'espace des médias privés dans les ondes, malgré une levée de bouclier des principaux journaux du pays, au lendemain de son adoption par le Congrès.

«Cette loi ne vise pas à éliminer la presse. C'est pour permettre une bonne presse, une véritable liberté d'expression», a déclaré M. Correa, un dirigeant socialiste en conflit ouvert avec les médias privés au ton très critique auxquels il reproche de vouloir déstabiliser son gouvernement.

Le président équatorien, qui dispose d'un délai de trente jours pour donner son aval à la loi, a de nouveau qualifié les grands groupes de communication de «mercantiles» et «mensongers».

La nouvelle loi stipule une nouvelle répartition des ondes en trois parts égales entre les médias publics, communautaires et les groupes privés qui jusqu'ici étaient en position dominante avec environ 80% des fréquences.

Elle institue aussi la création d'un Conseil de régulation, où siégera un délégué du gouvernement, qui veillera sur les contenus jugés violents et aura la possibilité de sanctionner par des amendes les médias refusant de rectifier leurs informations.

Son adoption au Congrès a déclenché samedi une vague de protestation dans la presse.

«Temps sombres pour le journalisme», a titré  El Commercio, l'un des plus grands quotidiens équatoriens, assurant que cette mesure était «néfaste pour la démocratie» car elle mettait «en péril la liberté d'information et d'opinion».

Le texte «porte clairement atteinte à l'exercice du droit d'expression et d'opinion», a dénoncé dans un éditorial El Universal, l'autre grand quotidien équatorien, qui a eu dans le passé d'importantes démêlées judiciaires avec le pouvoir.

Ses dirigeants avaient été condamnés en juillet 2011 à trois ans de prison et une amende record de 40 millions de dollars pour injure au chef de l'État, avant d'être finalement graciés par M. Correa.

Un autre quotidien d'opposition, l'Expresso, a évoqué sa «stupeur» dans ses colonnes, affirmant que le contenu de la loi «déconcerte le monde journalistique qui n'a pas encore mesuré ses objectifs et ses conséquences».

Cette inquiétude de la presse privée a été relayée par plusieurs associations internationales.

La Société interaméricaine de presse (SIP), présidée par l'Équatorien Jorge Mantilla, a dénoncé un «recul historique» en Amérique latine,  tandis que l'organisation Human Rights Watch (HRW) y voit un «attentat à la liberté d'expression».

Au pouvoir depuis 2007, M. Correa, en butte à l'hostilité des milieux d'affaires pour avoir impulsé un virage à gauche dans le pays andin, est régulièrement accusé de censure par l'opposition.

En 2008, le président équatorien, un économiste âgé de 50 ans, qui a été réélu en février dernier, a déjà fait modifier la Constitution pour interdire aux banques de détenir la moindre participation dans les médias.