L'ancien président argentin, Carlos Menem (1989-1999), s'est vu infliger jeudi une peine de sept ans de prison pour trafic d'armes à destination de la Croatie et de l'Équateur, devenant le premier ex-président argentin élu démocratiquement à être condamné par la justice.

Actuellement sénateur, Carlos Menem, 82 ans, est protégé par son immunité parlementaire qui le met à l'abri d'une peine de prison mais dans son jugement, le tribunal a ordonné que cette immunité soit levée afin que la peine soit «effectivement purgée».

«C'est quelque chose d'historique, au-delà de mon désaccord avec le niveau des peines», a déclaré devant la presse locale aux abords du tribunal l'avocat Ricardo Monner Sanz, qui avait saisi la justice en 1995.

Le 31 mai, le parquet avait requis huit ans de détention contre M. Menem, reconnu coupable de trafic d'armes le 8 mars par un tribunal fédéral de Buenos Aires.

Le procureur Marcelo Agüero Vera avait également requis sa destitution de son  poste de sénateur et une interdiction d'exercer une fonction publique pendant 16 ans.

Le coaccusé de l'ancien président, son ex-ministre de la Défense Oscar Camilion (1993-1996), âgé de 83 ans, a, quant à lui, été condamné à cinq ans de prison, alors que sept avaient été requis. Enfin, l'ex-militaire et trafiquant d'armes Diego Palleros a lui aussi été condamné à cinq ans, contre huit demandés par l'accusation.

En mars, MM. Menem et Camilion ont été reconnus coupables de trafic d'armes et de munitions à destination de l'Équateur et de la Croatie. L'avocat de Carlos Menem, Maximiliano Rusconi, avait alors annoncé qu'il faisait appel du jugement.

En tant que sénateur du parti péroniste au pouvoir mais de tendance opposée à la présidente Cristina Kirchner, il est protégé par son immunité parlementaire jusqu'à la fin de son mandat en 2017.

L'ancien chef d'État controversé est poursuivi pour avoir ordonné l'envoi clandestin d'armes pour une valeur d'au moins 400 millions de pesos (76 millions d'euros actuels) entre 1991 et 1995 à destination de ces deux pays en guerre.

Buenos Aires a ainsi violé l'embargo des Nations unies sur les ventes d'armes, imposé pendant le conflit qui a ravagé l'ex-Yougoslavie dans les années 1990.

Au total, 6500 tonnes d'équipements - armes, fusils, canons, roquettes antichar et munitions - officiellement destinées au Panama et au Venezuela avaient été détournées de leur destination.

Carlos Menem avait été assigné à résidence dans le cadre de cette affaire pendant cinq mois en 2001, avant que la Cour suprême ne lève la sanction.

Dix ans plus tard, le 13 septembre 2011, il avait été acquitté alors que le parquet avait requis une peine de huit ans de prison.

L'instruction avait été rouverte en 2003 après l'arrivée au pouvoir de Nestor Kirchner, un péroniste de gauche ennemi juré de Carlos Menem, qu'il avait battu à la présidentielle de 2003.

M. Menem, surnommé «El Turco (le Turc)», homme politique péroniste ultra-libéral d'origine syrienne, est mis en cause dans diverses autres affaires : notamment l'octroi d'un marché public à une filiale de la société française Thalès et pour entrave à l'enquête sur l'attentat contre la mutuelle juive AMIA à Buenos Aires (85 morts en 1994).

Elu deux fois à la présidence, Carlos Menem a marqué la décennie 90 en Argentine par une politique de privatisations à outrance que ses détracteurs jugent aujourd'hui en grande partie responsable de la grave crise économique qui a secoué le pays en 2002.