L'ancien président d'Haïti Jean-Bertrand Aristide a été entendu mercredi pendant deux heures comme témoin dans l'enquête sur l'assassinat d'un journaliste en 2000, l'occasion pour ses partisans de manifester aux portes du tribunal, puis à travers la ville.

Aristide n'a fait aucune déclaration à son arrivée ni à sa sortie de l'audience, où il a été entendu par le juge Ivikel Dabrésil, chargé d'enquêter sur le meurtre en avril 2000 du journaliste Jean Dominique.

Des dizaines de milliers de personnes, selon les radios haïtiennes, ont bravé une interdiction de la police pour suivre le cortège de l'ancien président, toujours aussi populaire dans les quartiers pauvres de Port-au-Prince.

«Nous avons rassemblé des dizaines de milliers de personnes pour accompagner le président Aristide, le leader du peuple haïtien», a dit un parlementaire proche de l'ancien président.

«Aristide est le plus fort. Aristide est le taureau», scandaient sous une pluie battante des groupes de jeunes issus des quartiers pauvres de la capitale, très remontés contre le pouvoir en place accusé de persécuter l'ancien président Aristide revenu en Haïti après sept années d'exil en Afrique du Sud.

Des affiches et des posters du président Michel Martelly ont été arrachés par les manifestants.

«C'est un phénomène. Plus de vingt ans après son élection, il continue de mobiliser les foules», avait estimé avant l'audition un ancien sénateur Gérald Gilles.

«Nous nous préparons à aller aux élections. Cette convocation est une occasion de mobiliser nos militants», a expliqué le sénateur Francky Exius, présent au tribunal.

Des élections sénatoriales partielles et communales sont prévues d'ici la fin de l'année en Haïti mais aucune date officielle n'a encore été annoncée.

L'ancien président, dont l'audition constituait une rare sortie publique depuis son retour en Haïti en mars 2011, était accompagné au tribunal de parlementaires et d'anciens élus, tandis que d'importantes mesures de sécurités avaient été mises en place autour du bâtiment, situé dans le centre de Port-au-Prince.

La rencontre avec le juge était «très détendue» et «il n'y a pas de nouvelle convocation en perspective ni de confrontation», a rapporté l'un de ses avocats, Mario Joseph, après l'audition.

Jean Dominique, qui avait été exilé sous le gouvernement de l'ex-dictateur Jean-Claude Duvalier, a été abattu le 3 avril 2000 dans la cour de la station de Radio Haïti-Inter, dont il était le propriétaire. Le gardien de la station avait également été tué par des inconnus armés.

Depuis 2000, pas moins de 12 juges se sont succédés dans l'instruction de cette affaire qui défraie la chronique en Haïti.

Un autre ancien président haïtien, René Préval, a été entendu en mars par la justice, qui a également interrogé un ancien ministre de l'Intérieur et d'anciens responsables de la police.

Jean-Bertrand Aristide a dirigé Haïti à deux reprises: une première fois entre 1991 et 1996, mais son mandat a été interrompu dès la première année par un coup d'état militaire. Après trois années d'exil aux Etats-Unis, il a été rétabli en 1994.

Il est ensuite revenu à la tête du pays en 2001 mais a été contraint de démissionner en 2004 avant de passer sept ans en exil en Afrique du sud.

Il est revenu en Haïti en mars 2011.