La grève de la faim a encore gagné du terrain vendredi dans les geôles de Guantanamo où de plus en plus de détenus étaient nourris de force, technique que des organisations jugent contraire aux droits de l'homme.

«Nous continuerons à les empêcher de mourir de faim», a déclaré à l'AFP le lieutenant-colonel Samuel House, porte-parole de la prison.

À Guantanamo, la grève de la faim, en cours depuis bientôt trois mois, a rallié 97 détenus vendredi, sur une population carcérale de 166 hommes, selon un bilan quotidien de la prison en constante augmentation.

Un nombre record de 19 prisonniers étaient alimentés par des tubes reliés à l'estomac par la cloison nasale. Et parmi eux, cinq étaient hospitalisés, mais n'étaient pas en «danger de mort».

«C'est le droit des détenus de protester. Cependant, c'est notre mission de leur fournir un environnement sain, humain et sûr et nous ne laisserons pas nos prisonniers mourir de faim», a ajouté le porte-parole militaire, alors qu'une controverse agite la prison: faut-il ou non forcer les protestataires à s'alimenter?

De l'avis du Comité international de la Croix Rouge (CICR), qui a récemment envoyé une équipe à Guantanamo, «c'est un sujet de discorde avec les États-Unis».

Le CICR et d'autres organisations de défense des droits de l'homme interdisent l'alimentation forcée qu'ils jugent «contraire aux critères éthiques professionnels et médicaux établis» au niveau international.

«Si quelqu'un sain d'esprit exprime le souhait de n'être ni alimenté ni hydraté, le personnel médical a l'obligation éthique d'accéder à ses voeux», a déclaré le Dr Vincent Lacopino, expert de Physicians for Human Rights. «Dans ce contexte, nourrir une personne de force est non seulement une violation éthique, mais peut aussi s'apparenter à de la torture ou à un mauvais traitement», a-t-il dit au Miami Herald.

La Maison-Blanche «suit de près» la situation

L'Association médicale américaine (AMA) a envoyé vendredi une lettre de protestation au Congrès ce dont se sont félicités les avocats des détenus, qui réclament le transfert des prisonniers et la fermeture de la prison.

«En réaffirmant son opposition de longue date au gavage de force des détenus, l'association médicale la plus importante du pays a délivré une cinglante réprimande à la réponse inadéquate de l'administration Obama à cette grève de la faim», a indiqué Vincent Warren, chef de la direction du Centre de défense des droits constitutionnels (CCR).

À Guantanamo, «le régime d'alimentation forcée est très dur», a déclaré à l'AFP un avocat, Omar Farah, du CCR. Un de ses clients lui a confié avoir renoncé à une grève de la faim par le passé après avoir été «nourri de force au point d'être +trop plein+ et de vomir, attaché» à des sangles, «un tube de caoutchouc dans le nez».

«D'un point de vue médical, c'est une technique qui est dictée par les circonstances et qui n'est pas confortable», a déclaré à l'AFP le professeur de sciences médicales Abayomi Akanji, «si vous avez un patient qui n'est pas coopératif, vous allez au-devant de bien des problèmes».

Les autorités militaires de la prison ont mis en place une nouvelle procédure pour informer les avocats quand leurs clients sont amenés à être ainsi intubés.

Le lieutenant-colonel House réfute l'expression «alimentation forcée» car cela laisse l'image d'un «dessin animé» où l'on voit des «individus attachés, criant, hurlant, la bouche ouverte, la nourriture poussée dans la gorge».

En réalité, affirme-t-il, «de nombreux détenus frappent à la porte de leurs cellules et demandent à être nourris» et recevoir «leurs substances nutritives délivrées par un tube».

«Ils font la grève de la faim pour exprimer une revendication, mais ils ne veulent pas mourir», estime-t-il.

Les avocats des détenus clament depuis le début qu'environ 130 hommes observent ce jeûne, déclenché en février quand des corans avaient été examinés d'une manière qu'ils jugeaient blasphématoire. Selon eux, c'est toutefois leur détention illimitée depuis 11 ans, sans inculpation ni procès, que dénoncent la plupart des protestataires.

La Maison Blanche a indiqué vendredi qu'elle continuait à «suivre de près» la grève de la faim, réaffirmant «l'engagement du président Barack Obama à fermer la prison».