Après plusieurs jours de tensions au Venezuela, le président élu Nicolas Maduro s'est rendu jeudi à un sommet de crise régional au Pérou, à la veille de son investiture à Caracas, que l'opposition appelle à boycotter en réclamant un nouveau comptage des votes.

L'ordre rétabli pour l'instant, l'héritier du défunt dirigeant socialiste Hugo Chavez compte recevoir l'aval de l'Union des nations sud-américaines (UNASUR), qui se réunit dans la soirée à Lima pour une réunion extraordinaire, consacrée à la crise provoquée par son élection à la tête de ce riche pays pétrolier des Caraïbes.

«Nous partons au sommet des présidents de l'UNASUR, qui a de nouveau démontré sa capacité d'action, sa capacité politique, face à la menace de violence et de coup d'État au Venezuela», a lancé M. Maduro, depuis le tarmac de l'aéroport de Maiquetia à la périphérie de Caracas.

«Au Venezuela, nous n'avons pas une opposition» mais «une conspiration permanente dirigée depuis les États-Unis», a martelé le président élu, à l'adresse de son adversaire, Henrique Capriles, le jeune gouverneur de l'État de Miranda (nord), battu d'un cheveu lors du scrutin de dimanche.

Le Venezuela sera également représenté à Lima par son ministre des Affaires étrangères Elias Jaua. «Nous allons dénoncer là-bas les assassinats politiques, fruits de l'intolérance de l'opposition», a précisé M. Jaua.

Mais, surprise, le chef de l'opposition n'exclut pas de se rendre lui-même dans la capitale péruvienne pour un sommet qui s'annoncerait explosif. «Nous évaluons la possibilité de voyager à Lima et d'être présents à la réunion de l'Unasur. Dans une démocratie, on compte les votes !», a-t-il  écrit jeudi dans un message sur Twitter.

Avant le sommet, le président équatorien de gauche Rafael Correa, actuellement en tournée européenne, a fait transmettre un message de soutien à M. Maduro : «Les élections libres et démocratiques doivent être respectées. L'Unasur ne permettra pas un coup d'État» .

Son allié bolivien Evo Morales a averti jeudi qu'il demanderait lors du sommet une «condamnation» des États-Unis pour avoir soutenu la demande d'un nouveau comptage des votes, dans le sillage de l'opposition vénézuélienne, une demande également appuyée par l'Union européenne.

La quasi-totalité des pays latino-américains ont déjà reconnu son élection et plusieurs dirigeants vont profiter du sommet de Lima pour se rendre directement à Caracas pour la prestation de serment de M. Maduro, qui se déroulera vendredi matin devant l'Assemblée nationale.

Une cérémonie qui sera boudée par les députés de l'opposition. L'un d'eux, Andres Velasquez, s'est justifié en expliquant que le pouvoir leur avait «refusé le droit à la parole».

Ont déjà confirmé leur participation les chefs d'État du Brésil, Dilma Roussef, d'Argentine, d'Uruguay, de Bolivie, et d'Équateur, ainsi que celle du président du Congrès des députés espagnols, qui remplacera le prince héritier Felipe. Cuba devrait envoyer une délégation de haut niveau.

Dans le ciel de Caracas, les hélicoptères et les avions de chasse de l'armée ont commencé jeudi un impressionnant ballet, en préparation du défilé militaire qui suivra l'investiture, avant une réunion de l'Alba (Alliance bolivarienne des Amériques), le bloc des alliés de la gauche radicale fondé par Cuba et le Venezuela.

L'avènement de M. Maduro ne risque pas non plus d'être contrarié sur le plan juridique, après l'annonce par le Tribunal supérieur de justice (TSJ) de l'impossibilité de procéder à un «comptage manuel» des bulletins de vote, comme le réclame son adversaire.

M. Capriles, un avocat de 40 ans, persiste toutefois à contester le résultat, invoquant de multiples «irrégularités», et il attend désormais que le Conseil national électoral (CNE) se prononce sur la requête qu'il a déposée la veille.

«Cette nuit nous allons parler au pays», a-t-il annoncé jeudi dans un autre tweet, appelant ses partisans à «ne pas tomber dans les provocations» du pouvoir.

Si la justice vénézuélienne ne semble pas prête à lui donner gain de cause pour un nouveau comptage des votes, elle pourrait en revanche le menacer de poursuites en raison des violences survenues lors des manifestations organisées à l'appel de l'opposition lundi soir.

Les autorités ont annoncé cette semaine avoir procédé à plus de 135 interpellations et placé sous surveillance un groupe de militaires suspectés de comploter avec les «caprilistes».

Sur le cercueil d'une des huit victimes durant les manifestations, élevées au rang de «martyr et héros de la patrie», M. Maduro a promis de faire arrêter les «groupes de fascistes» responsables, appelant la justice à «accélérer la capture des assassins».

Rejetant toute responsabilité, M. Capriles rappelle n'avoir lancé que des mots d'ordre pacifiques, notamment l'appel à des «concerts de casseroles», forme traditionnelle de protestation dans la région. «Tout le poids de la loi doit tomber» sur les auteurs des violences, a-t-il déclaré.