L'opposition a appelé mardi le pouvoir au dialogue au Venezuela, renonçant à un grand rassemblement mercredi à Caracas, après des manifestations qui ont fait sept morts et une soixantaine de blessés dans ce pays, plongé dans une crise politique depuis l'élection de Nicolas Maduro.

Le candidat de l'opposition Henrique Capriles, qui réclame un nouveau comptage des bulletins de vote, a accusé le gouvernement d'être «derrière ces épisodes de violence», tout en tendant la main à son adversaire.

«Nous sommes disponibles pour ouvrir un dialogue, afin que cette crise soit réglée dans les prochaines heures», a-t-il déclaré au cours d'une conférence de presse à son quartier général.

Par souci de «responsabilité», M. Capriles, gouverneur de l'État de Miranda, a décidé de renoncer au rassemblement de mercredi, afin de ne pas faire «le jeu du gouvernement» qui veut qu'il y ait «plus de morts dans le pays».

Selon lui, la manifestation de l'opposition devant le Conseil national électoral (CNE) courait le risque d'être «infiltrée» par des agents gouvernementaux.

Depuis lundi soir, les manifestations contre l'élection de M. Maduro ont fait au moins sept morts, dont un fonctionnaire de police de l'État de Tachira, et 135 personnes ont été interpellées, ont annoncé les autorités.

«Ils ont été tués par des hordes fascistes», a réagi mardi M. Maduro, reprochant à son adversaire d'orchestrer «un coup d'État», onze ans après celui qui avait brièvement écarté du pouvoir son défunt mentor, le dirigeant socialiste charismatique Hugo Chavez.

«S'ils veulent me renverser, qu'ils viennent me chercher. Je suis là avec un peuple et une armée», a clamé le président élu, annonçant une enquête à l'encontre d'un «petit groupe de militaires», soupçonnés d'avoir été contactés par l'opposition.

«Ceux qui attaquent le pays doivent aller en prison», a-t-il affirmé, lors d'un bain de foule assurant que «tous les foyers de violence seront neutralisés», lors d'un programme de plusieurs heures imposé sur toutes les chaînes par la télévision publique.

M. Maduro a appelé à des «feux d'artifice quotidiens» pour démontrer la force du «peuple dans la rue», face aux «concerts de casseroles» de l'opposition.

Auteur du meilleur score jamais réalisé par l'opposition, Henrique Capriles continue de reprocher aux autorités électorales d'avoir proclamé vainqueur M. Maduro (50,75% contre 48,97%), sans avoir procédé à un nouveau comptage.

«Quand quelqu'un crie bingo, il faut montrer sa grille», a-t-il ironisé.

Les Etats-Unis ont aussi mis en cause mardi l'officialisation de la victoire de M. Maduro, tout en appelant les Vénézuéliens à «cesser les violences», à l'instar de l'Organisation des Etats américains (OEA).

Dans la journée, les «caprilistes» se sont rassemblés dans plusieurs Etats, tout comme des groupes de fidèles «chavistes», portant des chemises rouges.

Le veille, des véhicules avaient été incendiés dans l'État de Barinas, dont est originaire M. Chavez, et le siège du parti au pouvoir a été partiellement détruit dans l'État de Tachira.

Plusieurs médecins cubains travaillant dans des quartiers pauvres, dans le cadre de la coopération avec le Venezuela, ont en outre été agressés, tandis que des groupes motorisés s'en sont pris aux sièges de télévision publique  VTV et  de la chaîne internationale Telesur, financée par le Venezuela.

Des membres du gouvernement ont aussi accusé des manifestants d'avoir attaqué le domicile de la présidente du CNE, Tibisay Lucena, ainsi que plusieurs bureaux du Parti socialiste unifié du Venezuela (PSUV), dont l'un a été incendié.

Cible de l'opposition, le CNE assure que le système de vote électronique est infaillible et incite M. Capriles à utiliser les «voies légales» en déposant un recours.

«Il va y avoir des manifestations, qui vont devoir cesser à un moment», mais «Maduro doit aussi commencer à gouverner et à faire des gestes», a estimé le politologue Inacio Avalos, interrogé par l'AFP.

«Fraude!» ou encore «Maduro, tu m'as volé mon vote!», pouvait-on lire sur les murs à Caracas.

«Il y a au Venezuela un cri pour demander un nouveau comptage des votes», a confié à l'AFP Deivis Vielma, une étudiante de 20 ans, sur la place Altamira, dans le quartier d'affaires de Chacao, où se sont réunies plusieurs centaines de personnes mardi après-midi.

«Ils veulent rejeter la responsabilité des victimes sur l'opposition, alors que cela ne les dérange pas qu'il y ait des morts chaque week-end», a-t-elle ajouté, dans une allusion à l'insécurité record dans le pays (16 000 homicides en 2012).

«Cela a été un peu irresponsable d'appeler à sortir manifester en disant qu'il y a eu fraude. Si tout le monde descend dans la rue, cela peut déboucher sur le chaos», a dit à l'AFP Luis Alvarez, un cuisinier de 26 ans.