Entre une inflation galopante, des pénuries récurrentes qui affectent la qualité de vie des Vénézuéliens et un État endetté malgré ses milliards de dollars de revenus pétroliers, l'économie représente le défi le plus urgent qu'aura à relever le prochain président du Venezuela, estiment des analystes.

«Le principal problème qu'aura à affronter celui qui gagnera (l'élection présidentielle du 14 avril) est la stabilisation de l'économie», résume pour l'AFP l'économiste Angel Garcia.

Jusqu'à présent, le premier producteur de pétrole sud-américain et détenteur des plus importantes réserves de brut au monde est parvenu à compenser les déséquilibres de son économie par une augmentation régulière des prix du baril au cours des 14 années de mandat du président Hugo Chavez (1999-2013), décédé le 5 mars.

Le pétrole «augmentait plus rapidement que l'inflation», explique l'analyste et directeur de l'institut Econométrica.

Mais le successeur de M. Chavez, champion de la redistribution des revenus du pétrole aux couches les plus défavorisées de la population, héritera d'une économie à bout de souffle avec un baril bloqué à 100 dollars et une inflation record de plus de 20% en 2012, selon les chiffres officiels, ce qui empêche l'État d'étancher la soif de devises d'un pays qui importe la quasi-totalité de ce qu'il consomme.

En février, le gouvernement a dévalué de plus de 30% la monnaie nationale - le bolivar passant de 4,3 à 6,3 pour un dollar - permettant de réduire le déficit fiscal du pays. Estimé à plus de 15% du PIB en 2012, avec une dette publique de 150 milliards de dollars (la moitié du PIB), il a chuté à 7% du Produit intérieur brut après la dévaluation.

Mais malgré cette décision, la plupart des analystes estiment que le strict contrôle des changes imposé depuis 2003 et celui des prix de certains produits de base ne peuvent être maintenus plus longtemps.

Pour Angel Garcia, les mesures à prendre sont la libéralisation des changes, le maintien d'une ferme discipline budgétaire et la fin du versement des devises de l'État à des fonds parallèles comme le Fonden, qui a reçu des milliards pour financer les populaires programmes sociaux du président Chavez.

Le gouvernement doit soutenir l'appareil productif et «laisser derrière lui toutes les lois socialistes» pour «revenir à une économie moderne», insiste quant à lui Alexander Guerrero, économiste et ex-professeur d'université.

«Le moteur de l'économie, les dépenses publiques, a commencé à ralentir et l'année est marquée par l'incertitude politique, les restrictions au secteur privé dans l'accès aux devises, les problèmes d'approvisionnement et l'aggravation de la dichotomie entre les secteurs public et privé», analyse l'institut Econanalitica dans rapport récent.

Pour cet institut, avec un secteur public «qui doit se serrer la ceinture» et un secteur privé «cerné par la politique gouvernementale», la croissance du PIB du pays devrait s'établir en 2013 entre -2 et +2%, bien au-dessous de l'objectif officiel de 6%.

«La question n'est pas de savoir qui va gagner l'élection (entre le dauphin de Hugo Chavez, le président par intérim Nicolas Maduro, ou le chef de file de l'opposition, le gouverneur Henrique Capriles) mais s'il sera capable de maintenir la stabilité politique et ceci passe par le dialogue avec tous les secteurs», juge le président de la fédération patronale Fedecamaras, Jorge Botti.

Ces 10 dernières années, 200 000 entreprises ont disparu, 1 600 ont été nationalisées et les investisseurs les plus actifs font des affaires ailleurs dans la région, explique M. Botti.

«Avec Chavez, l'esprit de rente, la dépendance et les subventions se sont accrus. Le gouvernement dit qu'il a investi 550 milliards de dollars dans des programmes sociaux depuis 1999 (...) Mais (ces investissements) ont donné des bénéfices (électoraux) mais pas des outils pour sortir de la pauvreté et cela a anesthésié le peuple», poursuit-il.

«Si Maduro (large favori des sondages) gagne, je pense qu'il peut y avoir un rapprochement discret avec les secteurs productifs avant d'ouvrir un dialogue politique plus public. C'est notre pari», indique Jorge Botti.

Le prochain gouvernement devra également faire face au paiement des bons émis par l'État et la compagnie pétrolière publique PDVSA, qui commencent à arriver à échéance cette année.

«L'économie vénézuélienne de 2006 à 2012 était comme celle d'un ménage qui allait (au centre commercial), utilisant sa carte de crédit pour le déjeuner, le dîner, les voyages. Délicieux ! Mais maintenant, il faut payer la carte de crédit», illustre Angel Garcia.