Le procès de 26 policiers parmi 79 accusés du plus grand massacre de l'histoire du Brésil dans une prison il y a plus de 20 ans, s'est ouvert lundi matin, mais a été rapidement suspendu après le malaise d'un juré, et reporté d'une semaine.

Cent onze détenus avaient été tués par balle dans la prison Carandiru à Sao Paulo en 1992.

«Il faudra choisir sept nouveaux jurés et recommencer le procès», qui a été fixé au lundi 15 avril, a indiqué le service de presse du tribunal de Barra Funda où se déroule l'audience, à l'ouest de la mégapole brésilienne.

Lundi, 26 de ces policiers - dont huit seulement ne sont pas à la retraite - avaient commencé à être jugés à Barra Funda pour avoir exécuté, le 2 octobre 1992, quinze détenus du pavillon 9 au premier étage de la prison de Carandiru, considérée à l'époque comme la plus grande d'Amérique latine avec 8000 détenus.

Ces membres d'une unité spéciale étaient intervenus après une bagarre entre détenus, qui avait dégénéré en mutinerie dans cette maison d'arrêt surpeuplée.

S'il a fallu attendre 21 ans pour voir s'ouvrir ce procès, le plus grand de l'histoire de Sao Paulo en nombre d'accusés, c'est parce qu'outre la lenteur bien connue de la justice brésilienne, selon les experts, il a commencé comme un procès militaire avant de passer dans la sphère de la justice ordinaire.

En outre, «une série de recours ont été présentés par les accusés durant toutes ces années», ayant pour effet de ralentir la procédure, a rappelé à l'AFP un porte-parole du tribunal.

Au total 79 policiers -dont un tiers sont encore en activité- ont été tenus pour responsables du massacre. Le procès aura lieu en quatre temps, en fonction de l'étage où les policiers sont intervenus le jour du massacre. Trois autres audiences auront ainsi lieu à trois mois d'intervalle.

Détenus abattus sans moyen de défense

«Il y a eu massacre, exécution. Les détenus ont été abattus alors qu'ils étaient absolument sans défense», la plupart d'une balle dans la nuque, a relevé le procureur Fernando Pereira da Silva, cité par le site d'information G1.

Les avocats de la défense affirment de leur côté que les policiers ne faisaient que leur devoir et avaient tiré en état de «légitime défense».

Aucun policier ayant participé à l'intervention dans le pénitencier n'a été tué ou blessé, alors qu'on a également compté 87 blessés parmi les détenus.

À ce jour, une seule personne a été jugée pour ce massacre, le colonel Ubiratan Guimaraes, qui avait commandé l'opération. Il a été condamné à 632 ans de prison en 2001, mais a été acquitté en février 2006 lors d'un second jugement. Sept mois plus tard, il a été retrouvé mort à son domicile, tué d'une balle dans la poitrine, un crime non élucidé à ce jour. En 2002, ce colonel avait été élu député de l'État de Sao Paulo.

Pour l'avocat Ariel de Castro Alves, du Mouvement national des  droits de l'homme, les accusés auraient dû être immédiatement radiés de la police à l'époque: «C'est comme si on avait maintenu des agents responsables de tortures à l'époque de la dictature dans la police civile», a déclaré Me Alves à la presse.

Les germes de l'organisation criminelle du PCC

Le massacre de Carandiru a donné lieu un an après à la naissance de la faction du crime organisé «Premier commando de la capitale» (PCC) dans la prison de Taubaté, à 140 kilomètres de Sao Paulo.

Selon le Parquet, le massacre de Carandiru fut un facteur décisif dans la création du PCC, accusé d'ordonner le meurtre de dizaines de policiers depuis les prisons, grâce à des complices en liberté.

«Cela figure dans les statuts du PCC», a affirmé à la presse le procureur Marcio Friggi de Carvalho.

Le massacre et les critiques qui s'en sont suivies «ont donné carte blanche» aux bandits pour restreindre l'entrée des policiers dans les prisons, selon les avocats de la défense des policiers.

«C'est pourquoi nous en sommes là  aujourd'hui», a souligné l'avocate Ieda Ribeiro. En mai 2006, le PCC avait dirigé une série d'attaques à Sao Paulo qui s'étaient soldées par 170 morts, dont 47 policiers, pour semer la terreur et se venger de la police, qui resserrait alors l'étau autour de l'organisation. Fin 2012, de nouvelles attaques du PCC ont fait plusieurs morts, dont de nombreux policiers.