Rentrée cette semaine dans son pays, l'ex-présidente chilienne a annoncé sa candidature à la présidentielle de novembre. Directrice d'ONU Femmes à New York, elle avait jusqu'ici gardé le silence, malgré les sondages qui la donnent gagnante depuis de longs mois.

La gare de Santiago est un creuset populaire où les vendeurs de rue déploient sur les trottoirs biscuits, artisanat ou gadgets faits en Chine devant des passants au visage fatigué. Une apathie que la vendeuse du kiosque à journaux, Margarita Contreras, en chignon et tablier, leur rend bien, tout en faisant la causette à ses voisins Maria et Juan.

Soudain, Maria Gonzalez exulte: «C'est mon idole, c'est mon idole, je l'aime», tandis que Margarita et Juan applaudissent à ses côtés en riant à pleins poumons. Pour les sortir de leur torpeur, il n'aura fallu qu'une question: que pensez-vous du retour de Michelle Bachelet?

«Nous sommes heureux», explique Juan Valdez, en présentant un grand sourire édenté. Il a suivi la veille au soir le discours annonçant la candidature de Bachelet à la présidence. «Ma retraite s'élève à 300 $CAN. Michelle Bachelet donnait une aide de 86 $ aux retraités. Moi, ça me permettait de payer une partie du loyer. Or, l'actuel président, Sebastian Piñera, nous l'a retirée!»

Margarita le coupe: «Elle vient du peuple, pas comme ce richard qui ne pense qu'à s'en mettre plein les poches. Il nous a retiré toutes les aides!»

Même réaction chez Lisette et Camila, qui vont déjeuner: «Elle est proche des gens, et elle a beaucoup soutenu les mères de famille, les femmes.»

Quant à Magali, qui part prendre le métro, elle compte sur son expérience à la tête d'ONU Femmes. «Elle arrive avec des idées nouvelles, je pense qu'elle va changer les choses!»

Grande favorite

Cette popularité s'exprime dans les sondages depuis plusieurs mois: ils donnent Mme Bachelet gagnante au premier tour devant tous les autres candidats déclarés. Des candidats pour la plupart encore inconnus du grand public, pour qui la campagne s'annonce donc très difficile.

Première femme présidente du Chili et d'Amérique du Sud en 2006, la socialiste n'a pu se représenter au terme de son mandat, malgré un soutien record de 78% (sondage CEP, octobre 2009), car la Constitution interdit d'exercer deux mandats consécutifs.

Alors que le soutien du président (31%), du Congrès (10%) et des partis politiques (6%) a fondu comme neige au soleil devant la mobilisation étudiante qui dure depuis deux ans et réclame un changement profond du système néolibéral, le silence de l'ex-présidente a préservé une popularité, qui repose surtout sur son charisme.

Maintenant qu'elle entre en campagne sur le thème de la lutte contre les inégalités - le Chili est un des pays où la différence entre riches et pauvres est la plus importante du monde -, les fléchettes venant de droite comme de gauche risquent de l'égratigner.

Quand ils n'attaquent pas les points sensibles de son mandat antérieur, comme sa gestion du tremblement de terre de 2010, les sceptiques se demandent, à l'instar de Carlos Gonzalez qui vend des jouets pour enfants: «Pourquoi ferait-elle plus que ce qu'elle a déjà fait?»

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Michelle Bachelet en cinq dates

1951

Naissance à Santiago, Chili

1974

Son père, le général des Forces de l'air Alberto Bachelet, meurt à la suite de tortures. Il s'est opposé au coup d'État du général Augusto Pinochet

1975-1979

Exil en Australie puis en RDA

2002

Première femme en Amérique latine à être nommée ministre de la Défense

2006-2010

Première femme présidente du Chili

2010-2013

Première directrice générale d'ONU Femmes, nouvelle institution dont le siège est à New York