Dénué du charisme qui protégeait Hugo Chavez des échecs de sa gestion, Nicolas Maduro, président par intérim du Venezuela, a dû s'emparer du thème de l'insécurité en vue de la présidentielle du 14 avril, le taux d'homicide n'ayant cessé de croître en 14 années de «chavisme».

À peine avait-il officiellement déposé sa candidature, le 11 mars, que l'héritier du «Comandante» a promis de «libérer» le Venezuela de «la violence, la criminalité et la délinquance», dont il attribue, à l'instar de son mentor décédé le 5 mars, la responsabilité «au capitalisme».

Ministre depuis 2006, puis vice-président, président par intérim et aujourd'hui favori de la présidentielle, M. Maduro affirme qu'il sera «le président de la paix et de la sécurité».

«Le 15 avril», en tant que président, «je prendrai la responsabilité de ce sujet, de la vie, du combat contre la criminalité» pour le convertir en «thème central de tout ce que nous faisons», a-t-il assuré lundi en proposant un plan de travail aux 79 municipalités concentrant les plus forts indices de délinquance.

Nicolas Maduro aborde ainsi un thème rarement évoqué par l'ancien dirigeant charismatique, surtout en période électorale, qui symbolisait l'un de ses plus flagrants échecs.

Le gouvernement a admis ce mois-ci qu'en 2012, le pays avait enregistré 16.000 meurtres pour 29 millions d'habitants, en hausse de 14% sur un an. Ainsi, le taux officiel d'homicide s'élève-t-il à 54 pour 100 000 habitants, le plus élevé d'Amérique du Sud, et presque huit fois la moyenne mondiale établie par l'ONU.

Selon une organisation non gouvernementale locale, l'Observatoire vénézuélien de la violence (OVV), qui affirme par ailleurs que les chiffres du gouvernement sont sous-évalués, en 1998, année où Hugo Chavez a été élu, 4.500 meurtres avaient été commis dans le pays.

Pour le politologue Angel Alvarez, M. Maduro «est obligé» d'affronter l'insécurité, car il ne dispose pas de «l'énorme charisme» du président décédé qui «lui permettait de maintenir une forte popularité durant tous ses mandats», bien que 80% des Vénézuéliens estiment que la violence est le principal problème du pays.

«Chavez a réussi à ce qu'un thème aussi dramatique ne l'affecte pas politiquement, grâce à sa force personnelle et sa connexion» avec les catégories les plus humbles de la population, pourtant les plus affectées par la violence, renchérit le sociologue et directeur de l'OVV, Roberto Briceño.

Ces derniers jours, le candidat du pouvoir, qui affrontera le gouverneur de l'État de Miranda (nord), Henrique Capriles, s'est rendu dans des quartiers périphériques des grandes villes pour inviter la jeunesse à déposer les armes et créer «Un mouvement pour la paix et la vie», avec le soutien d'artistes et de sportifs vénézuéliens.

Le président de l'Assemblée nationale, Diosdado Cabello, a annoncé à cette occasion la prochaine entrée en vigueur d'une loi longtemps reportée renforçant le monopole de l'État sur les ventes d'armes et établissant des sanctions pour les fonctionnaires impliqués dans des trafics d'armes.

«Personne ne croit que Nicolas va résoudre le problème de l'insécurité»', a pourtant affirmé le candidat de l'opposition, lors d'une récente réunion de campagne.

Le jeune gouverneur de 40 ans, candidat malheureux contre Hugo Chavez en octobre, dirige l'État très peuplé où a été enregistré en 2012 le plus haut nombre d'homicides. Mais il critique le gouvernement, qui soutient «que la violence se trouve dans un seul État du pays».

L'analyste Nicmer Evans, enseignant à l'Université centrale du Venezuela (UCV), rappelle que les critiques sur l'insécurité «ont été le principal argument de l'opposition pendant 14 ans pour dire aux gens de ne pas voter Chavez et elle n'y est jamais parvenue».

Cependant, Angel Alvarez doute de l'efficacité électorale de la stratégie du candidat Maduro, «car d'une certaine façon, il reconnaît l'échec de 14 années de gouvernement» Chavez.

Dans le même temps, M. Briceño estime que la population attend «des mesures de sécurité plus efficaces, plus réalistes et une main plus ferme» relativement à l'impunité qui touche 90% des crimes commis dans le pays, selon l'OVV.

Il s'agit d'ailleurs pour lui de l'une des explications de la violence au Venezuela, les habitants décidant de «se faire justice eux-mêmes».