La dépouille du président vénézuélien Hugo Chavez, dont l'embaumement semble de plus en plus compromis, a été transférée vendredi dans une ancienne caserne de Caracas transformée en Musée de la Révolution, lors d'une procession accompagnée par des milliers de partisans.

Après neuf jours et neuf nuits au cours desquels des centaines de milliers de personnes ont défilé devant le cercueil du «Comandante», mort d'un cancer le 5 mars après 14 années passées à la tête du pays, sa dépouille a quitté la chapelle ardente de l'Académie militaire de Caracas à la mi-journée.

Au terme d'une procession d'une douzaine de kilomètres à travers la capitale, son corps a rejoint une caserne de l'ouest de la ville - d'où Chavez avait lancé une tentative de coup d'État en 1992 - en attendant que soit déterminée sa destination finale.

La procession a été précédée d'une cérémonie de prières, de discours de proches et de dignitaires ainsi que d'une série d'honneurs militaires rendus par quelque 2000 cadets de l'académie. «Merci, Commandant, de nous avoir rendu la patrie», a lancé une de ses filles, Maria Gabriela, dans un émouvant discours prononcé après que le président de l'Assemblée nationale Diosdado Cabello eut rendu un hommage appuyé au «président exemplaire, le seul qui se soit soucié des pauvres».

À bord d'une jeep de l'armée, le président par intérim Nicolas Maduro, accompagné du président bolivien Evo Morales, ont ouvert le cortège motorisé le long du «Paseo de los Proceres» («Boulevard des hommes illustres»), célèbre avenue de Caracas, sous le regard de milliers de personnes portant des tee-shirts à l'effigie de l'ex-président et brandissant des fanions aux couleurs nationales.

«Je suis venu parce que c'est notre président. Le meilleur hommage que nous puissions lui rendre est de continuer à nous battre pour notre révolution et être joyeux au lieu d'être tristes», a témoigné à l'AFP Judith Santana, une avocate de 51 ans vêtue de rouge, la couleur des chavistes.

Le cercueil était transporté dans une limousine noire aux fenêtres transparentes couverte d'un drapeau vénézuélien. De part et d'autre du véhicule, des gardes du corps habillés de rouge escortaient la procession. Autour, la foule était massée en bord de route, aux balcons des immeubles, certains étaient même perchés sur des branches d'arbres pour saluer une dernière fois le «Comandante», dont la popularité parmi les plus démunis ne s'est jamais démentie.

Le convoi a rejoint dans l'après-midi la «Caserne de la montagne», un bâtiment de style colonial rouge et ocre transformé en Musée de la Révolution, perché sur un promontoire dans un bastion chaviste de l'ouest de Caracas, le quartier du 23 de Enero («23 janvier»).

Forte en symbole, cette ancienne caserne avait été le QG d'Hugo Chavez lorsqu'il avait échoué dans sa tentative de renverser le président Carlos Andres Perez par les armes le 4 février 1992.

Plusieurs centaines de personnes ont attendu depuis le matin l'arrivée du cercueil du chef de l'État défunt dans ce quartier modeste pour saluer une dernière fois le charismatique «presidente». «C'est une fierté pour nous de recevoir notre commandant, il a toujours été d'ici», a expliqué à l'AFP Carmen Gonzalez, une habitante du «23 de Enero».

La caserne était surmontée d'une lettre et d'un chiffre géants «4F», rappelant la date de ce coup d'État raté qui avait valu à Chavez un séjour de deux ans en prison, mais qui avait aussi constitué l'acte de naissance politique du jeune lieutenant-colonel parachutiste, arrivé au pouvoir par les urnes six ans plus tard. Les autorités n'ont pas précisé si la caserne, fermée ces derniers jours, serait ouverte au public.

«Nous promettons de vous être loyaux dans cette vie et nous vous amenons à votre poste de commandement pour que vous y reposiez chrétiennement comme chef et commandant en chef des forces armées vénézuéliennes», a dit M. Maduro en s'adressant au président défunt avant qu'un prêtre ne bénisse le cercueil.

Le chef d'État par intérim a promis de revenir s'incliner devant la dépouille d'Hugo Chavez, cette fois en vainqueur de l'élection présidentielle du 14 avril prochain.

Mais après les cérémonies de vendredi, la grande incertitude demeurait la destination du corps de l'ex-président.

Le gouvernement avait dans un premier temps fait part de son souhait d'installer son corps embaumé aux côtés du héros national, le «libérateur» Simon Bolivar. Mais Nicolas Maduro a révélé mercredi qu'il serait «difficile» d'embaumer la dépouille, car les procédures nécessaires auraient dû être entamées «beaucoup plus tôt» après son décès d'un cancer le 5 mars.

Le gouvernement a également reporté sine die mardi le dépôt à l'Assemblée nationale d'un amendement constitutionnel pour le transfert du défunt auprès de son illustre prédécesseur.

Pour l'heure, la loi fondamentale vénézuélienne dispose que le Panthéon national est réservé aux Vénézuéliens «illustres qui ont rendu des services éminents à la République, au moins 25 ans après leur décès». En outre, toute modification de la Constitution doit faire l'objet d'un référendum.

Une élection présidentielle a été convoquée pour le 14 avril après le décès du président Chavez. Le scrutin devrait se résumer à un duel entre M. Maduro, l'héritier politique du «Comandante», et le gouverneur de l'État de Miranda et chef de file de l'opposition, Henrique Capriles.