Le président vénézuélien par intérim a promis «loyauté au-delà de la mort» au défunt président Hugo Chavez, à la fin de funérailles d'État en grande pompe qui ont rassemblé 32 chefs d'État et de gouvernement, vendredi à Caracas.

Dans un discours enflammé et lyrique d'une demi-heure, le dauphin a promis d'honorer le testament moral du leader de gauche sud-américain décédé mardi à Caracas d'un cancer, en poursuivant «son combat pour les pauvres, pour l'éducation et un monde plus juste».

«La lutte continue! Vive Chavez! Vive Chavez! Jusqu'à la victoire toujours, Comandante!», a scandé Nicolas Maduro, acclamé debout par la foule de dignitaires et militaires vénézuéliens, et applaudi par les dirigeants étrangers rassemblés autour du cercueil d'Hugo Chavez, dans le salon d'honneur de l'Académie militaire de Caracas.

Après ce discours, Nicolas Maduro a remis la réplique de l'épée en or du libérateur sud-américain Nicolas Bolivar à la famille d'Hugo Chavez, dont la dépouille restera exposée au public pendant encore au moins sept jours après avoir été embaumée.

Le vice-président d'Hugo Chavez prêtera serment dans la soirée comme président par intérim, lors d'une cérémonie boycottée par la principale coalition de l'opposition parlementaire, qui juge cette mesure contraire à la Constitution.

Il devra convoquer des élections dans les 30 jours, selon la Constitution, qu'il a qualifiée de «testament» d'Hugo Chavez.

Le Tribunal suprême de justice vénézuélien a jugé vendredi que M. Maduro était légalement fondé à prêter serment comme président par intérim et à se porter candidat à la présidence de la République, comme l'avait souhaité Hugo Chavez récemment, alors que son état de santé s'aggravait.

Les chefs d'État se succèdent pour saluer Chavez

Les chefs d'État et de gouvernement ont été invités par petits groupes à former des haies d'honneur successives autour du cercueil.

La première était réservée aux plus proches alliés latino-américains, dont le Cubain Raul Castro, le Bolivien Evo Morales et l'Équatorien Rafael Correa.

Un peu plus tard, ce fut au tour de deux des alliés les plus controversés du régime chaviste: Le Bélarusse Alexandre Loukachenko, et l'Iranien, Mahmoud Ahmadinejad, mine sombre, dont les lèvres semblaient réciter une prière.

À son arrivée à Caracas, M. Ahmadinejad, avait exprimé ses condoléances «les plus profondes au peuple vénézuélien et à tous les peuples du monde, en particulier latino-américains», ajoutant que «Le président Chavez a été le symbole de tous ceux qui cherchent la justice, l'amour et la paix dans le monde».

La présidente brésilienne, Dilma Rousseff, venue s'incliner jeudi soir devant la dépouille de Hugo Chavez, et la présidente argentine Cristina Kichner, sont en revanche rentrées dans leurs pays avant la cérémonie.

Les États-Unis, cibles de prédilection des diatribes enflammées d'Hugo Chavez, et les Européens, n'ont envoyé que des délégations de second rang. À l'exception de l'Espagne, qui, protocole oblige, a dépêché le prince héritier Felipe.

À l'extérieur de l'Académie, tandis que la cérémonie se poursuivait avec une messe, une foule de «Chavistes» vêtus de rouge, canalisée par des barrières métalliques et des militaires, attendait de pouvoir reprendre leur procession vers la dépouille de M. Chavez.

«On est ici pour voir le cercueil. On aurait bien aimé voir les funérailles, mais on les verra à la télévision ce soir ou demain», se résignait Francis Porteloro, 50 ans.

Ils étaient plusieurs dizaines de milliers et leur file serpentait sur plusieurs kilomètres, selon des journalistes sur place.

La journée a été déclarée fériée au Venezuela, où la cérémonie était retransmise en direct par toutes les télévisions. L'alcool est interdit à la vente pendant une semaine.

PHOTO AP/PALAIS MIRAFLORES

Jeudi soir, sitôt arrivés à Caracas, le président cubain Raul Castro (notre photo), la présidente brésilienne Dilma Rousseff, de son prédécesseur Luiz Inacio Lula de Silva puis du président équatorien Rafael Correa se sont recueillis devant la dépouille de Hugo Chavez.

Embaumé «comme Lénine»

La dépouille du président Chavez a été vénérée par deux millions de partisans depuis mercredi selon les autorités. Embaumé «comme Lénine», son corps sera exposé au public au moins sept jours de plus.

«Aujourd'hui, nous n'assisterons pas à la session de l'Assemblée nationale parce que nous considérons (...) qu'elle constitue une violation» de la Constitution «et un nouvel acte de propagande électorale», a annoncé à la presse le parlementaire Angel Medina, membre de la principale coalition de l'opposition.

L'opposition conteste l'interprétation de la Constitution faite par le gouvernement après le décès du président Chavez, assurant que c'est le président de l'Assemblée nationale Diosdado Cabello qui devrait assurer la transition menant à une élection présidentielle anticipée et non le vice-président.

Le 11 décembre, avant de s'envoler pour Cuba pour une quatrième opération du cancer dont il ne s'est jamais remis, Hugo Chavez avait également adoubé M. Maduro, 50 ans, comme le candidat au parti au pouvoir pour d'éventuelles élections anticipées.

M. Maduro a fait sensation jeudi en annonçant que le leader sud-américain serait «embaumé» comme les grands révolutionnaires du XXe siècle, Lénine, Hô Chi Minh et Mao Tse Toung et que son corps serait «visible au moins sept jours de plus».

«Il a été décidé de préparer le corps du comandante, de l'embaumer, pour qu'il puisse être exposé dans un cercueil en verre, et que le peuple puisse l'avoir avec lui dans son musée de la Révolution pour l'éternité», a précisé M. Maduro.

Les autorités vénézuéliennes ont toutefois livré des informations contradictoires sur le moment où la dépouille de M. Chavez serait transférée à «la caserne de la Montagne», à l'ouest de Caracas, où un Musée de la Révolution bolivarienne est en construction: vendredi après les funérailles ou dans une semaine, selon les versions.

L'annonce de la mort du chef de file de la gauche latino-américaine a provoqué une onde de choc au Venezuela et ouvre une période d'incertitude.

«La seule chose que Chavez a faite a été de répandre la haine et la division. Ils veulent faire de lui un martyr. Cela me fait rire», grognait José Mendez, un programmateur informatique de 28 ans.

En 14 ans au pouvoir, Hugo Chavez a ravivé la flamme de la gauche latino-américaine «anti-impérialiste» sur le continent latino-américain.

Au Venezuela, il a forgé sa popularité dans les couches défavorisées avec des programmes sociaux financés par une manne pétrolière infinie, et grâce à son charisme exubérant.

Mais il a aussi fortement creusé les clivages de la société vénézuélienne, stigmatisant l'opposition et la presse privée, sans parvenir à endiguer les pénuries et une violence urbaine croissante.