«Quand j'y pense, ça me fait rire» a lancé hier Jean-Claude Duvalier au sujet de sa responsabilité dans les exactions qui lui sont reprochées durant son régime de 1971 à 1986. Après avoir ignoré ses deux précédentes convocations, l'ex-dictateur haïtien a dû faire face pour la première fois hier à certaines de ses victimes, en Cour d'appel.

Durant une audience mouvementée de plus de cinq heures, l'ancien chef d'État a répondu à près d'une vingtaine de questions concernant ses agissements alors qu'il dirigeait le pays.

La Cour d'appel haïtienne évalue présentement la légalité de deux séries de plaintes déposées contre «Bébé Doc». L'État haïtien le poursuit pour fraude et association de malfaiteurs, tandis que des victimes présumées de son régime ont déposé plainte pour atteintes graves aux droits de l'homme.

Calme et visiblement fatigué, M. Duvalier, en complet bleu et cravate grise, était assis aux côtés de sa compagne de longue date, Véronique Roy, toujours derrière ses lunettes fumées. Il a dicté ses réponses au greffier, qui les a ensuite répétées à la Cour.

Dans une salle d'audience bondée, il a affirmé qu'il n'a jamais eu un contrôle personnel des finances de l'État, ni de comptes en banque à l'étranger, avant que les juges ne reportent l'audience.

Bilan positif

«Toutes sortes de délinquants étaient à Fort-Dimanche», a-t-il dit au sujet des prisonniers politiques détenus dans la prison tristement célèbre. Devant le cas d'emprisonnement extrajudiciaire d'un célèbre joueur de soccer, il a appelé à de la «fumisterie», affirmant que Robert Duval avait été très bien traité.

«C'est la première fois que j'apprends les raisons de mon arrestation», a lancé M. Duval à la sortie de la Cour. Il dit avoir vu 180 personnes mourir sous ses yeux durant son séjour de 17 mois à Fort-Dimanche.

Jean-Claude Duvalier a également dit faire un bilan positif de ses années en poste, «et ce, dans tous les domaines», avant d'accuser les ONG présentes dans le pays à l'époque d'avoir tenté de déstabiliser son pouvoir plutôt que de favoriser l'implantation de la démocratie.

«C'est un premier pas, mais c'est très encourageant», a pour sa part affirmé après l'audience Danièle Magloire, porte-parole du Collectif contre l'impunité, qui représente la majorité des personnes qui ont porté plainte. «On a réussi à amener un dictateur devant le tribunal.»

C'est en effet la première fois dans l'histoire de ce pays qu'un ancien dirigeant est forcé de comparaitre devant une cour de justice. L'audience préliminaire de Jean-Claude Duvalier se poursuivra jeudi prochain.