Les entreprises multinationales qui travaillent au Venezuela, des grandes compagnies pétrolières au micro-entrepreneur, ont rapporté une baisse d'activité et envisagent des pertes suite à la décision du gouvernement de dévaluer la monnaie nationale, le bolivar, de plus de 30 % début février.

Les entreprises touchées sont aussi bien nord-américaines que colombiennes, espagnoles ou issues du MERCOSUR, le marché commun sud-américain (Argentine, Brésil, Uruguay, Paraguay), que le Venezuela a intégré mi-2012 après des années d'attente.

Le Venezuela, qui affiche officiellement une inflation de plus de 20 % par an, est soumis à un strict contrôle des changes. La cinquième dévaluation des 10 dernières années est entrée en vigueur le 13 février, le bolivar passant de 4,30 à 6,30 pour un dollar américain.

Selon des analystes, les conséquences pour les consommateurs de cette dévaluation, qui renchérit les prix des produits importés, seront connues à l'issue du premier trimestre de l'année.

Mais l'une de ces premières conséquences est de «renchérir de façon importante les produits pour le consommateur final. Dans un premier temps, cela freine la demande», explique à l'AFP Magdalena Pardo, directrice de la Chambre de commerce colombo-vénézuélienne.

En outre, le contrôle des changes imposé depuis une décennie est un autre facteur négatif pour les entreprises, selon elle. «On présage qu'exporter vers le Venezuela va requérir l'obtention de permis très onéreux», ajoute-t-elle.

En même temps qu'il a annoncé cette dévaluation, le 8 février, le gouvernement a mis fin au Sitme, un système utilisé pour les importations de produits non prioritaires, dans lequel le bolivar s'échangeait à un taux légèrement plus élevé. N'existe plus désormais que la CADIVI (la Commission d'administration des devises), destinée aux transactions en dollars.

Le Venezuela, dont l'économie repose essentiellement sur les revenus pétroliers, doit faire face à des pénuries grandissantes, alimentant un boum de ses importations, qui se sont élevées à 56 milliards de dollars en 2012, selon la Banque centrale (BCV). À l'opposé, les exportations non pétrolières ont atteint à peine 2,38 milliards de dollars.

En revanche, les exportations de pétrole se sont établies à 122 milliards de dollars en 2011, selon les derniers chiffres officiels.

Quelques-unes des entreprises internationales opérant dans le pays ont annoncé ce que d'après elles leur coûtait cette dévaluation. L'Espagnole Telefonica a estimé ce coût à 584 millions de dollars et à un plus d'un milliard la diminution de ses actifs nets dans tout le pays.

Toutefois, l'institut espagnol de courtage Renta4 a qualifié de «limité» l'impact de cette décision pour les entreprises espagnoles présentes au Venezuela.

Ainsi, la compagnie pétrolière Repsol enregistre 11 % de sa production dans le pays, mais «s'agissant d'industrie +upstream+ (exploration et production), les revenus sont dollarisés», selon Renta4.

Des entreprises des États-Unis, principal partenaire commercial du Venezuela en raison de leurs échanges pétroliers, ont également pronostiqué des pertes pour 2013.

Colgate-Palmolive, qui a déjà annoncé une baisse de recettes au dernier trimestre 2012 en raison de «problèmes sociaux», a prévu une perte de 120 millions de dollars pour le premier trimestre de cette année.

Dans le secteur pétrolier, Halliburton a estimé ses pertes à 30 millions de dollars et l'entreprise de services Baker Hughes à 25 millions sa couverture pour compenser les risques de change.

Des entreprises brésiliennes, un partenaire de plus en plus important pour le Venezuela, particulièrement depuis son entrée dans le MERCOSUR, mettent aussi en garde contre les conséquences sur les investissements étrangers dans le pays.

«Ce qui préoccupe l'industrie brésilienne n'est pas seulement la dévalorisation de la monnaie, mais également les perspectives de croissance de l'économie vénézuélienne quasiment nulles, poussées par une chute de la production industrielle et de faibles investissements», explique Fabrizio Sardelli Panzini, analyste à la Confédération nationale de l'industrie (CNI).

En 2012, le PIB vénézuélien a augmenté de 5,5 %, et la BCV table sur une hausse de 6 % en 2013. Mais des experts jugent cet objectif inaccessible après la dévaluation. D'autant que l'inflation s'est établie à 20,6 % l'an passé, la plus importante du continent.