L'armée vénézuélienne, d'ordinaire loyaliste, reste en retrait du débat institutionnel provoqué par l'absence du président Hugo Chavez, soigné pour un cancer à Cuba depuis le 11 décembre, mais les militaires pourraient quitter les casernes si la situation venait à s'envenimer entre les forces politiques, indiquent plusieurs analystes.

Comme pour la plupart des autres institutions, le président Chavez a habilement placé l'armée sous sa coupe. L'ancien commandant parachutiste a su promouvoir les officiers fidèles et a distribué plusieurs postes clés à de hauts gradés en retraite.

Dans le contexte actuel, «ils ne prendront jamais les armes», assure Jose Machillandia, expert politique et militaire.

Mais si la mort ou la détérioration critique de l'état de santé du président venait à engendrer une crise institutionnelle ou un conflit interne au sein du régime, la pression s'accentuerait sur cette institution très fragmentée, indiquent plusieurs analystes.

À deux exceptions près, ayant d'ailleurs impliqué Hugo Chavez, l'armée n'a jamais franchi la ligne rouge constitutionnelle avec les présidents élus depuis la chute de la dernière dictature militaire en 1958.

Hugo Chavez, alors jeune officier, s'était révélé au monde en 1992 lorsqu'il avait mené un coup d'État raté, et en 2002 c'est lui qui avait été la cible d'un coup d'État militaire l'ayant privé du pouvoir pendant trois jours.

Depuis, il s'est efforcé de se rapprocher des troupes, chassant les officiers à la loyauté jugée suspecte et chargeant des conseillers cubains de guetter le moindre soubresaut au sein des troupes, révèlent des experts.

Dans le même temps, il a promu des officiers à des postes à haute responsabilité : une dizaine de gouverneurs et plusieurs ministres importants sont aujourd'hui d'anciens militaires, s'exposant à des accusations de militarisation de la vie politique.

«L'armée est ainsi appelée à jouer un rôle central dans le cas d'une potentielle crise institutionnelle au Venezuela,» explique Rocio San Miguel, experte militaire de l'Université Simon Bolivar. Ce dernier exclut toutefois tout comportement «inattendu» dans les états-majors dans l'immédiat.

L'absence de Hugo Chavez à sa prise de fonctions prévue le 10 janvier, suggérée ces derniers jours par ses lieutenants, pourrait en revanche marquer le début d'une période d'incertitude.

Le vice-président et dauphin désigné de Hugo Chavez Nicolas Maduro assure que Hugo Chavez resterait en fonctions même s'il ne prêtait pas serment à cette date, alors que l'opposition affirme que l'intérim du président de l'Assemblée s'impose en cas d'absence du président le 10 janvier.

Selon M. Maduro, le président Chavez, réélu en octobre, continuera d'être en fonctions, la «formalité» de sa prestation de serment pourra selon lui être réglée ultérieurement.

«Si (les barons du régime) respectent les dispositions de la constitution dans le cas d'une absence temporaire ou absolue, je ne vois aucun type d'intervention militaire» possible, assure Mme San Miguel.

Mais «s'ils sortent du cadre de la constitution ou des institutions politiques, provoquant une situation équivoque, les différents camps pourraient céder à la tentation militaire».

Dans cette optique, l'experte ne prévoit toutefois pas un mouvement unifié de l'armée, mais plutôt des mouvements isolés de chaque faction, guidés par leurs propres intérêts et suscitant la convoitise des forces politiques en présence.

Mme San Miguel affirme que Hugo Chavez a réussi la prouesse de dominer l'armée dans son ensemble, mais ses successeurs potentiels éprouveraient selon elle beaucoup de difficultés à faire de même.

«Dans les forces armées de la nation, je ne vois pas le chavisme perdurer sans Chavez», assure l'experte.