En neutralisant les deux principaux chefs du cartel du Golfe en moins de 10 jours, les autorités mexicaines lui ont probablement porté un coup fatal, une situation que les organisations criminelles rivales devraient exploiter pour tenter d'étendre leur influence.    

Jeudi, comme de coutume pour les arrestations majeures, un homme corpulent à épaisse moustache a été présenté devant la presse à Mexico, escorté de deux soldats masqués. Vêtu d'un gilet pare-balles et menotté, le « capo » regardait impassiblement droit devant lui malgré les flashes et l'agitation ambiante.

La veille, l'armée mexicaine avait annoncé l'arrestation de Jorge Eduardo Costilla, chef du redouté cartel du Golfe, dans une maison de Tampico, dans l'État de Tamaulipas (nord-est). Cinq de ses complices ont également été interpellés lors de cette opération menée sans un seul coup de feu.

Cet ancien policier de 41 ans, qui a basculé dans le crime organisé au milieu des années 1990, était notamment connu pour enterrer ses ennemis vivants. Surnommé « le Coss », il figurait également en bonne place dans la liste des 37 « capos » du crime organisé les plus recherchés, dont 23 ont été arrêtés ou tués depuis 2006.

Les autorités offraient une récompense de 2,2 millions de dollars pour la capture du « Coss », qui fait également l'objet d'un mandat d'arrêt fédéral aux États-Unis.

Cette arrestation survient seulement une semaine après celle de Mario Cardenas Guillen, qui dirigeait l'autre branche principale de l'organisation depuis 2010.

M. Guillen, surnommé « El Gordo » (« Le Gros ») a été arrêté sans heurt par l'armée dans la commune d'Altamira (État de Tamaulipas).

Son frère, Osiel Cardenas Guillen, chef historique de cette organisation criminelle, avait déjà été arrêté en 2003 et extradé aux États-Unis où il purge une peine de 25 ans de prison.

C'est un de ses autres frères, Antonio, qui avait pris la tête de l'organisation jusqu'à sa mort, en 2010, sous les balles des militaires.

Réorganisation probable du crime organisé

La mise hors service de Costilla, qui parvenait généralement à désamorcer les conflits internes de son organisation, semble aujourd'hui sonner le glas du cartel du Golfe dans sa configuration actuelle, selon des analystes.

Cela « signifie la décapitation complète du groupe (...) C'est le début d'une réorganisation du crime organisé au Mexique, avec le renforcement (à prévoir) de deux organisations importantes, Sinaloa et Zetas, et l'affaiblissement des autres », prédit Guadalupe Correa, expert du trafic de drogue mexicain à l'Université du Texas (États-Unis).

Depuis qu'il a rompu son alliance avec le cartel des Zetas en 2010, le Golfe est engagé dans une guerre sans merci contre ce groupe criminel créé et dirigé par d'anciens militaires d'élite de l'armée mexicaine, réputé pour sa cruauté.

Ces deux dernières années, le conflit a ensanglanté les États du Tamaulipas, du Nuevo Leon et de Coahuila, frontaliers des États-Unis.

Pendant ce temps, le plus grand cartel du pays, celui de Sinaloa de Joaquin « Chapo » Guzman - l'un des hommes les plus recherchés au monde - en a profité pour étendre sa zone d'influence de la côte Pacifique en assimilant de petits groupes locaux du nord-est.

En résumé, cette situation promet « davantage de violence à la fin du sexennat » du président Felipe Calderon prévu le 1er décembre, estime Ricardo Ravelo, journaliste et écrivain spécialiste de ces questions.

Plus de 60 000 personnes ont été tuées au Mexique au cours des six dernières années, dans le cadre de l'offensive militaire déclarée par le président Calderon aux cartels et dans les affrontements entre les forces de l'ordre et le crime organisé.

Au-delà du conflit Sinaloa-Zetas, M. Ravelo craint que des divisions internes récemment constatées au sein des Zetas viennent aggraver la situation et que la disparition du cartel du Golfe ait un « effet multiplicateur » des groupes criminels.

« Au début de l'offensive (de l'armée en 2006), il y avait six cartels, aujourd'hui on en compte 14 », étaye-t-il.