La Colombie a annoncé mardi l'ouverture de négociations avec la guérilla des FARC, un processus de paix historique après un demi-siècle de conflit armé, qui se déroulera à partir d'octobre en terrain neutre, en Norvège, puis à Cuba.

«Les discussions commenceront à Oslo pendant la première quinzaine d'octobre», avant de se poursuivre à La Havane, a déclaré le président Juan Manuel Santos, dans une allocution solennelle à la télévision, une semaine après avoir révélé l'existence de contacts avec la rébellion marxiste.

«Il s'agit d'un chemin difficile, sans doute très difficile, mais d'un chemin que nous devons explorer», a poursuivi M. Santos, la mine grave, entouré des membres de son gouvernement et des responsables de l'armée, réunis au palais présidentiel de Bogota.

Appelant à l'«unité pour que le rêve de vivre en paix se réalise enfin», le chef de l'Etat a toutefois averti que les négociations avec les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) ne s'éterniseraient pas et devront «se mesurer en mois, pas en années».

L'annonce a aussitôt été saluée par la communauté internationale.

Le président américain Barack Obama a félicité son homologue colombien pour son «ferme engagement dans la recherche d'une paix durable», tandis que la Norvège, futur pays hôte des pourparlers, a loué le «courage» des deux camps et que le chef de la diplomatie européenne Catherine Ashton a parlé d'une «chance unique» de mettre fin au conflit.

Ce futur dialogue de paix constitue la quatrième tentative de négociations en trente ans avec les FARC, la plus ancienne guérilla d'Amérique latine, qui a été créée en 1964 après une insurrection paysanne en 1964 et compte encore 9200 combattants.

La dernière expérience, vécue comme un traumatisme dans ce pays, remonte à 2002, lorsque le gouvernement avait suspendu, après quatre ans d'un dialogue infructueux, la démilitarisation d'une vaste région dans le sud, estimant que la guérilla en avait profité pour se renforcer.

Peu après l'intervention du président colombien, la guérilla des FARC a diffusé, au cours d'une conférence de presse à La Havane où s'étaient réunis plusieurs de ses représentants, une vidéo de son dirigeant suprême Rodrigo Londoño, connu sous le nom de guerre de «Timochenko».

«Un nouveau processus de dialogue est en marche, afin de parvenir à la paix sur notre terre», a lancé le chef des rebelles, en uniforme vert olive. «Nous avons l'espoir sincère que le régime n'essaiera pas de répéter les scénarios du passé», a-t-il ajouté.

L'accord conclu avec les FARC est «différent» des précédents, a pour sa part insisté le président colombien, insistant sur le fait qu'il n'incluait «ni démilitarisation, ni arrêt des opérations militaires».

Une réponse à ceux des Colombiens hostiles à tout rapprochement avec les FARC, emmenés par l'ancien président Alvaro Uribe (2002-2010), sous le mandat duquel, avec l'aide militaire des États-Unis, les FARC ont vu leurs effectifs fondre quasiment de moitié.

L'ex-chef d'État a aussitôt vivement condamné l'annonce de son successeur. «C'est très grave, car c'est commencer un dialogue sans que les terroristes aient mis fin à leurs activités criminelles», a-t-il réagi.

L'ouverture des négociations a été décidée en vertu d'un accord conclu entre le gouvernement et les FARC, après une série de discussions menées depuis six mois «de manière directe et en toute discrétion,» dans la capitale cubaine, l'objet d'un «travail de préparation d'un an et demi», a encore précisé M. Santos.

Les futurs débats - qui se dérouleront également sous les auspices du Venezuela et du Chili - s'annoncent tendus avec plusieurs points délicats comme la question agraire, celle du trafic de drogue, l'instauration d'un cessez-le-feu, et la réinsertion des guérilleros et leur accès à la scène politique, un sujet explosif en Colombie.

«C'est un ordre du jour très réaliste, très profond, qui s'attaque aux racines du conflit», a commenté Leon Valencia, directeur de l'institut d'études Nuevo Arco Iris, interrogé par la presse à l'issue des déclarations du président et de la guérilla.

Jugeant que le processus de paix «peut s'accomplir», cet expert, grand spécialiste du conflit colombien, s'est dit frappé par le «message de réconciliation» des FARC.