Lueur d'espoir en Colombie. Selon des informations «coulées» mercredi, des discussions seraient en cours en vue d'un cessez-le-feu entre les FARC et le gouvernement colombien. Bientôt la fin d'une guerre qui dure depuis presque 50 ans et qui a fait plus de 250 000 morts? Professeur à l'Université de Georgetown et auteur du livre The FARC at the Negotiating Table (Les FARC à la table de négociation), Mark Chernick se dit optimiste.

Q. Qui sont les FARC?

R. Les FARC sont les Forces armées révolutionnaires de Colombie. C'est un des plus vieux groupes de guérilla au monde. Ce qui les rend unique est que leurs premiers chefs étaient tous des paysans. En 1964, leurs revendications tournaient autour de la terre et de l'accès aux ressources de l'État. Leurs nouveaux leaders peuvent venir de la ville. Ils sont généralement plus éduqués. Ils réclament plus de justice sociale dans les zones rurales et un accès à la participation politique en Colombie.

Q. De quoi sera-t-il question pendant ces négociations?

R. Il y a trois grands dossiers sur la table.  Le problème de la réforme agraire, la participation politique et les compensations pour les victimes de la guerre et un plan de rechange pour le trafic de la drogue. C'est la première fois que ce dernier point est à l'agenda pour des négos. L'idée, c'est que l'État aide les fermiers à remplacer une culture illégale par des cultures légales. Un énorme défi. La Colombie reste le plus gros producteur de coca et de cocaïne au monde. Un commerce qui a d'ailleurs beaucoup alimenté le conflit.

Q. Les FARC et le gouvernement colombien n'en sont pas à leurs premières négociations. Qu'est-ce qui vous fait croire que celles-ci réussiront?

R. Le contexte est propice. Les FARC sont affaiblies. Le gouvernement est plus fort. Le pays en a assez de la guerre et veut la paix. Et l'agenda est plus réaliste qu'il y a 10 ans. Tout le monde semble sur la même longueur d'onde: ces négociations ne sont pas exploratoires, elles doivent déboucher sur un cessez-le-feu. Déjà, les deux camps se sont mis d'accord pour parler en zone neutre, avec de l'aide internationale. Le siège principal des discussions est à Cuba. Mais les négociations auront lieu en Norvège. Enfin, il est probable que les États-Unis appuieront les initiatives du gouvernement colombien, ce qui n'a pas toujours été le cas par le passé.

Q. Quels sont les principaux obstacles au processus de paix?

R. Les risques de sabotage sont nombreux. Et ils peuvent venir de partout. Chaque fois que les deux parties se sont rencontrées, il s'est passé quelque chose. Les FARC kidnappent un politicien, détournent un avion. Le gouvernement renverse la table en disant qu'il n'y a rien à faire avec ces terroristes. Puis, il envoie l'armée en expédition punitive dans les zones occupées par les FARC. Cela pourrait arriver de nouveau. La question est de savoir comment gérer l'impondérable. C'est ici que l'aide internationale sera utile. Quoiqu'il se passe, elle fera en sorte que les deux parties restent à la table des négociations.

Q. Advenant la paix en Colombie, que deviendraient les FARC?

R. L'objectif d'un processus de paix est de transformer un conflit armé en compétition démocratique. C'est ce qui est arrivé au Salvador. Mais c'est un processus très difficile. On peut imaginer que les FARC voudront fonder un parti politique. Mais ils sont échaudés. Dans les années 80, quand il y a eu un cessez-le-feu, ils ont fondé un parti, l'Union patriotique, et fait élire 14 sénateurs et membres du Congrès. Mais beaucoup d'entre eux ont été tués. Ils ne voudront pas courir le même risque à moins d'avoir de sérieuses garanties du gouvernement.

La fin des FARC ?

Placées sur la liste des organisations terroristes des États-Unis et de l'Union européenne, les FARC sont reconnues pour avoir pris en otage plusieurs personnalités politiques ou militaires.

Leur plus grand coup d'éclat fut probablement l'enlèvement de la candidate présidentielle Ingrid Betancourt, libérée par l'armée colombienne en 2008 après plus de six ans de captivité dans la jungle.

En avril dernier, le mouvement a libéré ses derniers prisonniers politiques, des policiers et militaires détenus depuis 12 à 14 ans, et annoncé avoir renoncé aux enlèvements contre rançon.

Le trafic de cocaïne est la principale source de financement de ce mouvement de guérilla, fondé au milieu des années 60 par Manuel Marulanda.

Les FARC compteraient encore quelque 9200 combattants, repliés dans les montagnes et les forêts, à la suite d'une série de revers militaires qui ont divisé les troupes par deux en une décennie. 

- D'après AFP, Radio-Canada et Reuters