Un an après la création du ministère des Affaires pénitentiaires, la violence armée, les trafics et la corruption n'ont pas cessé dans les prisons surpeuplées du Venezuela, où une mutinerie a encore causé presque 30 morts ces dernières semaines, soulignent experts et ONG.    

Selon des organisations non gouvernementales, depuis que le président Hugo Chavez a créé ce ministère, dans la foulée d'une mutinerie qui avait fait plus d'une trentaine de morts en juin 2011 dans les environs de Caracas, entre 523 et 567 détenus ont été tués en prison et 1200 blessés, des chiffres en hausse par rapport aux années précédentes.

Humberto Prado, directeur de l'Observatoire vénézuélien des prisons (OVP), a expliqué cette semaine à l'AFP que ces prisons surpeuplées et disposant de peu de gardiens créaient « des conditions inhospitalières (qui) sont des déclencheurs de violences », attisées par les luttes pour faire main basse sur les trafics.

Il y a « trop d'argent (généré) par le trafic d'armes et de drogues, les séquestrations et les enlèvements » dirigés depuis l'intérieur des centres de détention, a-t-il poursuivi.

Dans ces bâtiments mal entretenus et sans hygiène, beaucoup de meurtres sont commis lors d'affrontements entre bandes rivales disposant d'imposants arsenaux constitués d'armes entrées grâce à la complicité des surveillants de La Garde nationale, selon les experts du secteur.

Le trafic d'« armes (...) est le fait des autorités civiles et militaires qui surveillent (les prisons), ce ne sont pas les mères, les conjointes ou les épouses qui les passent », a assuré de son côté à l'AFP le criminologue Fermin Marmol.

La dernière mutinerie en date, fin juin début juillet, a fait 28 morts et 18 blessés dans la prison de Merida (ouest), selon un bilan de l'OVP, bien que le gouvernement n'ait admis que 12 décès « dus à des maladies qui se sont aggravées » au cours des violences.

« Les détenus ont le contrôle »

Pour M. Marmol, l'épisode de Merida illustre clairement que « dans les prisons vénézuéliennes, les détenus ont le contrôle », leurs leaders créant « de mini États dans l'État qui deviennent de grands monstres » ingérables pour les autorités.

Des 34 prisons du pays, « les prisonniers en contrôlent quasiment la totalité », a affirmé pour sa part Carlos Nieto, responsable de l'ONG Une fenêtre pour la liberté.

Les violences à Merida démontrent selon lui que « la dégradation du système pénitentiaire (...) atteint désormais des prisons qui étaient préservées », a-t-il estimé, rappelant que jusqu'à il y a peu, ce centre était pacifique et abritait même un programme public de musique symphonique.

La ministre des Affaires pénitentiaires, Iris Varela, une ancienne députée proche de Hugo Chavez, a été nommée en juillet 2001, après les émeutes de la prison de El Rodeo en juin, les plus meurtrières qu'ait connues le pays.

Un an plus tard, Mme Varela, qui a ordonné en mai 2012 l'évacuation contestée d'une prison du centre de Caracas après des semaines de violences, a assuré que le gouvernement avait « avancé » et porté « de grands coups à la mafia ».

Elle a en outre mis en place des procédures pour limiter les retards de procédures, réformer les prisons, proposer des emplois aux détenus et annoncé la création de 24 nouveaux centres de détention dans les deux prochaines années.

Mais pour les experts, le problème des prisons vénézuéliennes, qui abritent 50 000 détenus pour 14 000 places, selon les autorités, est aggravé par la faiblesse de leurs ressources - environ 7 $ par jour et par prisonnier, d'après l'OVP - et leur administration centralisée.