Le candidat de gauche Andrés Manuel López Obrador voit ses espoirs de victoire rehaussés à l'aune de la contestation étudiante. Le Mexique prendra-t-il le virage à gauche déjà entamé en Amérique latine? Aspirations progressistes et vote conservateur: voilà le paradoxe qui habite l'électorat mexicain, d'après les experts.

La campagne électorale prend une tournure optimiste pour Andrés Manuel López Obrador, candidat du Parti de la révolution démocratique (gauche) à la présidentielle du 1er juillet. Ragaillardi par sa remontée dans les sondages, l'ex-maire de Mexico semble conquérir de nouvelles franges de l'électorat. Même le patronat, qui le traitait autrefois comme un pestiféré, apprivoise AMLO, comme le surnomment ses partisans.

En parallèle, la suprématie du favori, Enrique Peña Nieto, du Parti révolutionnaire institutionnel (PRI), semble se fissurer. Le journal Reforma a publié récemment une enquête montrant qu'il était talonné de près, à trois points d'écart, par López Obrador, alors que l'avance de Peña Nieto a déjà dépassé les 20 points. «Je suis sûr qu'Andrés Manuel va gagner», prédit à La Presse Gerardo Fernández Noroña, député et figure charismatique de la gauche mexicaine.

Les soupçons de fraude planant sur l'élection avaient poussé López Obrador, déjà candidat en 2006, à nier la légitimité du président Felipe Calderón (droite). Aujourd'hui, il observe avec satisfaction la révolte des étudiants mexicains contre les médias, accusés de favoriser son jeune et télégénique adversaire du PRI. Il en bénéficie. Lors des manifestations des jeunes, de nombreuses pancartes plaident: «All you need is AMLOve». Cette semaine, le quotidien britannique The Guardian s'en est mêlé, révélant que le groupe médiatique Televisa avait signé un contrat secret avec Peña Nieta pour promouvoir son image et entacher celle du candidat progressiste.

Le Mexique s'apprête-t-il à élire un président de gauche? C'est l'un des seuls pays qui n'ont pas encore été touchés par la vague rouge qui a déferlé sur l'Amérique latine. «Le Mexique a toujours été un vivier pour les mouvements de gauche comme le zapatisme», analyse le sociologue politique John Ackerman. «Il y a la même soif de progrès et de changement au Mexique que dans le reste du continent. Mais ici, les tendances mettent toujours un certain temps à pénétrer au niveau institutionnel.»

Le PRI a gouverné le pays de 1929 à 2000, prétendant incarner à lui seul le progrès social hérité de la révolution mexicaine. En 2000, la droite a introduit l'alternance avec Vicente Fox, en naviguant toute la campagne sur des idées de gauche. Pour l'historien Lorenzo Meyer, la société mexicaine est fondamentalement conservatrice. «Mais cela ne m'étonnerait pas qu'un secteur de la droite opte pour le vote utile en faveur de López Obrador, par aversion pour le PRI.» Les analystes politiques ont déjà trouvé un modèle pour le candidat: AMLO pourrait être le Lula mexicain.

L'amour comme moteur du changement? C'est ce que propose López Obrador. À travers le concept de république amoureuse, il prône la restauration des valeurs dilapidées par la corruption et la violence. Son postulat: l'amour pour la famille, le prochain, la patrie et la nature peut relancer le progrès social. Une combinaison de progrès et tradition, d'idées de gauche et de droite.