Julián Leyzaola est le chef de la police de la ville la plus dangereuse du Mexique. Impitoyable, il est haï des cartels, qui veulent sa peau et assassinent ses agents à tour de bras. Il y a quelques jours, cet ex-militaire baptisé «Rambo» a transformé les hôtels de la ville en casernes et y a barricadé ses policiers. Ce superflic est une légende. Mais c'est aussi un policier contesté, explique notre collaboratrice.

Depuis qu'il est arrivé à Ciudad Juárez, le taux de morts violentes a chuté, passant de 3100 en 2010 à moins de 2000 l'an dernier. On dit que ses méthodes, dures et expéditives, ont porté leur fruit. Lui clame toujours que lorsqu'il se trouve face à un narcotrafiquant, il vise la tête. Sans autre forme de procès...

Le lieutenant-colonel Julián Leyzaola a gagné sa réputation de rouleau compresseur anticrime à Tijuana, où il a dirigé la police de 2008 à 2010. Fort de son bilan, il est muté à Ciudad Juárez au début de l'année 2011, au plus fort de la guerre sanglante entre cartels rivaux.

Très vite, ce superflic au physique de film d'action reçoit des menaces de mort, auxquelles il répond, crâneur: «Qu'ils osent seulement me menacer ces fils de putes.» Sa témérité lui a valu le surnom de «Rambo», mais la presse l'a aussi baptisé «le Patton mexicain», considérant que son manque de pitié n'avait d'égal que celui du général américain.

Méthodes critiquées

Depuis quelques mois, sa légende s'assombrit. Des rapports américains confidentiels révélés par la presse soutiennent que Leyzaola est parvenu à pacifier Tijuana en protégeant un cartel au détriment de l'autre. Les témoignages de détenus l'accusant de tortures s'amoncellent.

À Ciudad Juárez, ses détracteurs affirment que la criminalité n'a pas chuté grâce à lui, mais grâce à l'érosion des bandes criminelles, qui se sont exterminées entre elles.

«Depuis l'arrivée de Leyzaola, les citoyens ont peur de la police municipale. Elle est plus agressive» explique Gustavo De la Rosa, de la Commission des droits de l'homme de l'État de Chihuahua. «Il a embarqué la police dans une guerre, il joue avec la vie des gens», déplore cet avocat, qui affirme voir quotidiennement des personnes arrêtées arbitrairement et torturées par les agents de Leyzaola.

La semaine dernière, les cartels ont annoncé qu'ils tueraient un policier chaque jour si «Rambo» ne démissionnait pas. Immédiatement, trois agents municipaux ont été abattus, portant à onze le nombre de policiers tués dans cette ville en 2012.

Pour sauver leur vie, les 2300 policiers de Ciudad Juárez ont reçu l'ordre de ne plus rentrer chez eux. Ils sont concentrés dans plusieurs hôtels. Entouré de ses troupes, barricadé dans ces casernes de fortune, Leyzaola continue de défier les criminels.