À Ciudad Juárez, ville la plus violente du Mexique, plusieurs hôtels sont devenus des casernes improvisées pour quelque 2000 policiers municipaux après la menace d'un cartel de la drogue de tuer un agent par jour si leur chef ne démissionnait pas.

Ces menaces ne sont pas lettre morte: 11 policiers, dont quatre commandants, ont déjà trouvé la mort dans la ville depuis le début de l'année.

Le maire de Ciudad Juárez, Hector Murguia, a ordonné au début de la semaine de transférer ses troupes policières dans les hôtels pour éviter qu'ils soient la cible d'attaques sur le chemin de leur domicile dans une ville qui est le théâtre depuis plus de quatre ans d'une sanglante guerre des cartels de la drogue.

Le maire a affirmé fermement son refus du départ du chef de la police, Julian Leyzaola, un ex-militaire controversé, dont le départ est également demandé par des organisations de défense des droits de l'homme. «Les chances qu'il démissionne ou qu'ils le forcent à démissionner sont de 0%», a dit le maire aux journalistes.

À l'entrée du motel Rio, sur l'avenue Las Torres, plusieurs patrouilles ont pris position pour protéger l'accès à la caserne improvisée. Un groupe de policiers surveille le passage des véhicules. Le maire a annoncé que les policiers seront à l'hôtel pour au moins trois mois.

La semaine dernière, plusieurs pancartes signées du «Nouveau cartel de Juarez» sont apparues en plusieurs points de la ville de 1,3 million d'habitants, située à la frontière avec les États-Unis, pour annoncer l'assassinat d'un policier chaque jour tant que M. Leyzaola sera en charge de la police de Ciudad Juárez.

Certains de ces messages accusaient également le chef de la police municipale de protéger un autre groupe, «Nouvelle génération», allié du chef du plus puissant cartel de narcotrafiquants du Mexique, Joaquin «El Chapo» Guzman, dirigeant du cartel de Sinaloa.

Selon le maire, ces affirmations ne font que traduire la préoccupation des narcotrafiquants face à l'efficacité de M. Leyzaola. Il cite la réduction relative du nombre d'homicides, tombé de 3100 en 2010 à moins de 2000 l'année dernière, ainsi que la capture des principaux chefs des groupes criminels de la ville, comme «Los Aztecas».

M. Leyzaola avait déjà suscité la controverse lorsqu'il dirigeait la police d'une autre ville mexicaine frontalière des États-Unis, Tijuana, au nord-ouest du Mexique.

Là aussi, son efficacité dans la réduction de la criminalité lui avait valu la reconnaissance des autorités. Mais des organisations comme Amnistie Internationale ont lancé des actions en justice, notamment pour des actes de tortures à l'encontre de détenus, accusations appuyées par des témoignages d'au moins 25 policiers.

Depuis l'arrivée de M. Leyzaola à Ciudad Juárez en mars 2011, la Commission des droits de l'homme de l'État du Chihuahua, où est située la ville, a fait état de 37 dénonciations contre le chef de la police, notamment pour abus d'autorité et arrestations arbitraires.

Gustavo de la Rosa, membre de cette commission, a dit à l'AFP que les policiers «ont instruction d'arrêter tout individu ayant l'apparence d'un délinquant ou qui devient nerveux à la vue d'un uniforme».

Les entrepreneurs de la ville, qui concentre presque 20% de la production manufacturière du Mexique, soutiennent au contraire le maire.

«Il est clair qu'on doit éviter que les actes violents, notamment les assassinats de policiers, continuent. Il faut chercher les moyens de renforcer la police locale», affirme à l'AFP Alejandro Seade, directeur de la Chambre de commerce de la ville.