Après plus de 20 ans de prison aux États-Unis et en France suite à son renversement par ses anciens alliés américains en 1989, l'ex-dictateur du Panama Manuel Noriega devrait rentrer dimanche dans son pays où il a été également lourdement condamné pour des assassinats d'opposants.

Manuel Noriega, 77 ans, dont l'extradition a été autorisée il y a quelques semaines par la justice française, doit arriver dimanche à 17h30 au Panama sur un vol Iberia, qui doit faire escale à Madrid, selon le ministre panaméen des Affaires étrangères.

Selon son avocat au Panama, Julio Berrios, Manuel Noriega «a déjà subi les derniers examens et les médecins ont dit qu'il pouvait voyager» même s'il faut surveiller sa tension artérielle.

«À sept heures du matin, les autorités françaises le remettront aux policiers panaméens à l'aéroport d'Orly (Paris)», a déclaré à l'AFP M. Berrios.

Les autorités françaises n'ont toutefois pour le moment confirmé qu'un départ «en toute fin de semaine».

L'ancien dictateur a passé plus de 20 ans en prison aux États-Unis pour trafic de drogue, avant d'être extradé en France en 2010, où il a été condamné à 7 ans de prison supplémentaires pour blanchiment d'argent. Il a parallèlement été condamné à trois peines de 20 ans au Panama, pour des assassinats d'opposants.

Sous forte escorte policière, Manuel Noriega, dirigeant du pays entre 1983 et l'invasion du Panama par les États-Unis en décembre 1989, sera transféré par hélicoptère de l'aéroport jusqu'à la prison de El Renacer, dans le nord-ouest de la capitale, à proximité du canal.

«Bien que le Panama soit un pays pacifique, tolérant, les émotions sont grandes et intenses, la sécurité du prisonnier est notre priorité. Il aura le même traitement que tout autre détenu, digne, respectueux, mais ferme», a assuré vendredi le ministre des Affaires étrangères Roberto Henriquez.

Cependant, le temps qu'il passera derrière les barreaux au Panama est incertain, la loi locale autorisant les condamnés de plus de 70 ans à demander à purger leur peine à domicile, suscitant l'indignation des proches des victimes de son régime.

Vêtus de blancs, agitant des tissus et banderoles de la même couleur, plus d'une centaine d'anciens opposants et victimes ont défilé vendredi dans le secteur bancaire de la capitale, lieu habituel des manifestations contre la dictature dans les années 80, pour exiger la «justice».

«Ni pardon, ni oubli. Ils vont le ramener, mais il aura une prison de luxe et ce que nous voulons, c'est qu'il paie pour ses crimes», a expliqué à l'AFP Justina Rodriguez, une fonctionnaire de 71 ans.

Aurelio Barria, fondateur en 1987 de la Cruzada Civilista, un mouvement d'opposition au régime militaire, a demandé aux habitants de manifester depuis chez eux en frappant des casseroles, comme dans les années de la dictature, pour exprimer leur opposition à l'ancien dirigeant et demander qu'il purge sa peine en prison.

D'autres Panaméens, surtout dans un pays très jeune et plus préoccupé par les problèmes de la vie quotidienne, font en revanche preuve d'indifférence voire de compassion pour un vieillard malade, dont la femme, Felicidad Sierio et les trois filles vivent au Panama.

«Laissez vivre le vieux. Ils vont l'emmener en prison, mais après il ira chez lui. Noriega n'était pas tout seul, ils lui font porter la responsabilité, il paie pour ce qu'il a fait, mais il y en avait d'autres», a estimé Elvia Maria Ugarte, femme au foyer de 46 ans, dont la maison a été détruite lors de l'invasion américaine de 1989.

Le retour de Manuel Noriega, informateur de la CIA entre 1968 et 1986 avant de devenir la bête noire de Washington, a également provoqué quelques interrogations sur sa volonté de révéler des informations gênantes, notamment sur les grandes fortunes édifiées sous son régime.

Pour l'ancien ministre des Affaires étrangères et ancien vice-président (2004-2009), Samuel Lewis, «ici, personne ne doit avoir peur. Si Noriega a encore des choses à dire après 22 ans, eh bien, que cela contribue à ce que la justice fasse ce qu'elle à faire».