Le cadavre a été retrouvé place Christophe Colomb, au centre d'un quartier riche de Nuevo Laredo. Il avait les mains attachées dans le dos et la tête posée près des genoux.

«Ceci m'est arrivé car je n'ai pas compris que je ne devais pas dénoncer sur les réseaux sociaux», disait une note laissée près du corps.

Selon la police, l'homme de 35 ans aurait pu être lié au site Nuevo Laredo en Vivo, blogue collectif qui dénonce la violence et l'emprise des cartels de narcotrafiquants sur la ville.

Une autre utilisatrice du site, Marisol Macias Castaneda, 39 ans, a été retrouvée décapitée au même endroit, le 25 septembre. Le même mois, un jeune homme et une jeune femme ont été retrouvés morts, suspendus à un viaduc, près de la frontière américaine.

Les notes laissées près des corps faisaient référence aux réseaux sociaux et étaient signées «Z», pour Los Zetas, puissant cartel implanté dans la région.

Pour Molly Molloy, auteure qui travaille à l'Université du Nouveau-Mexique et observatrice de longue date de la violence dans la région frontalière, cette vague d'assassinats montre que les criminels sont déterminés à faire taire quiconque documente leurs activités.

«La presse locale est terrorisée et ne rapporte plus les nouvelles sur la violence, dit-elle en entrevue téléphonique. Même dans les villes frontalières aux États-Unis, les journalistes évitent certains sujets. Les blogueurs ont pris le relais. C'est un mouvement presque naturel. Les gens sont désespérés.»

Le site Nuevo Laredo en Vivo était toujours actif, hier. Des internautes, qui emploient des pseudonymes, diffusaient des informations sur des coups de feu entendus dans la ville, de même que la description de voitures suspectes soupçonnées de surveiller les lieux pour les cartels. Bien des usagers disent consulter le site afin de prévoir leurs déplacements dans la ville, où les meurtres et les enlèvements sont monnaie courante.

Le gouvernement interpellé

Hier, des usagers mexicains de Twitter ont diffusé un manifeste dans lequel ils demandent au gouvernement d'assurer leur sécurité et de défendre leur droit à la liberté d'expression.

«Le combat pour le contrôle de la région frontalière atteint désormais un nouveau champ de bataille: l'internet et les réseaux sociaux, y lit-on. Des groupes criminels veulent faire taire les voix qui dénoncent les enlèvements, les crimes haineux, et menacent directement les usagers.»

La violence dans la région frontalière du Mexique a coûté la vie à plus de 43 000 personnes depuis 5 ans. Dans la seule ville de Ciudad Juárez, que Mme Molloy étudie quotidiennement, 1766 personnes ont été tuées depuis le début de l'année.

Elle note que la quasi-totalité des meurtres ne sont jamais résolus.

«Les enquêtes ne donnent rien. Personne n'est jamais condamné. C'est une zone où la loi ne s'applique pas.»