L'intervention musclée de la police bolivienne, dimanche, contre une marche d'Indiens amazoniens a soulevé un tollé contre le gouvernement, provoquant la démission d'une ministre et des mobilisations en soutien aux marcheurs.

Les autorités se trouvaient lundi sur la défensive face aux gestes de soutien au millier d'indigènes, dont des femmes et enfants, dispersés à coup de gaz lacrymogène et déplacés de force dans des cars, dimanche à Yucumo (nord-est), à mi-chemin d'une marche de protestation vers La Paz entamée depuis 40 jours.

À Rurrenabaque, dans le nord-est également, des habitants ont convergé vers l'aéroport pour libérer quelque 300 indigènes délogés dimanche de Yucumo, a révélé le maire local, Yerko Nunez. La police s'apprêtait à renvoyer les indiens dans leurs régions d'origine.

«Des habitants ont bloqué (la piste de) l'aéroport et empêché que les (indigènes) détenus soient transférés», a affirmé M. Nunez sur la radio Panamericana, ajoutant que les policiers ont été mis en fuite par l'intervention de la population, apparemment sans faire de blessés.

À Santa Cruz (est), deuxième ville du pays, 16 indigènes se sont installés dans la cathédrale pour y observer une grève de la faim de soutien aux marcheurs. Six autres en ont fait de même dans une église de Cochabamba (centre).

Dans la capitale, une manifestation de soutien a rassemblé lundi quelques centaines de personnes au centre-ville.

Un peu plus tôt, la ministre de la Défense Cecilia Chacon avait annoncé sa démission en exprimant son désaccord avec l'intervention de Yucumo.

«Je ne partage pas la décision d'intervention contre la marche, et je ne peux la justifier dans la mesure où d'autres solutions existaient», a déclaré Mme Chacon, dans une lettre adressée au président Evo Morales.

Une certaine confusion persistait par ailleurs lundi sur le bilan de l'opération policière. La police a fait état dimanche de «deux indigènes» et quelques policiers blessés, mais un «Comité de communication de la marche» a annoncé dans un communiqué à l'AFP la mort d'un bébé de trois mois dans la cohue, et a assuré que sept enfants restaient introuvables.

Le ministre de l'Intérieur Sacha Llorenti, a catégoriquement démenti ces informations lundi, affirmant à la presse qu'«il n'y a aucune information sur des personnes disparues, ni d'aucun mineur décédé».

M. Llorenti a défendu l'intervention, plaidant qu'elle visait à prévenir des affrontements à Yucumo, où un barrage de contre-manifestants pro-gouvernementaux était résolu à barrer la route aux marcheurs. La police a aussi démantelé ce barrage dimanche.

L'opération policière a néanmoins été condamnée par des défenseurs boliviens des droits de l'Homme et a été «profondément déplorée» par la chef de délégation de l'ONU dans le pays andin, Yoriko Yasukawa.

Face à cette vague de réprobation, ce qui a motivé la marche passait lundi au second plan: l'opposition de communautés indigènes à un projet de route de 300 kilomètres qui doit traverser, dans le centre du pays, un parc naturel en Amazonie, terre ancestrale de 50 000 indiens.

La marche de ces dernières semaines avait suscité un soutien croissant, bien au-delà des indiens d'Amazonie, parmi des opposants ou ex-alliés du pouvoir socialiste. Le président Evo Morales, lui-même amérindien, se trouvait lundi encore plus en porte-à-faux après l'opération policière.

Un dirigeant des marcheurs, Adolfo Chavez, évacué à San Borja, à 55 kilomètres, avec 200 compagnons, a affirmé lundi que la marche reprendrait après une pause. Outre ceux libérés à Rurrenabaque, plusieurs dizaines d'indiens ont réussi à échapper à la police dimanche.