Les rires et les pleurs d'une dizaine d'enfants résonnent entre les murs de la Casa Viva, un centre pilote de réhabilitation à Rio où ils luttent contre leur dépendance prématurée au crack qui les a conduits à vivre dans la misère et les ordures des rues.

La municipalité de Rio a recueilli dans les rues de la ville près de 700 enfants et adolescents dépendants de la drogue et de l'alcool.

De ce total, de 10% à 15% des plus jeunes sont «accros» au crack, un dérivé bon marché de la cocaïne aux effets dévastateurs, dont la consommation est en forte hausse au Brésil.

«Ils prennent du crack parce que c'est une drogue moins chère qu'ils trouvent facilement. Mais le pire, c'est qu'elle crée une dépendance plus rapide et provoque des séquelles neurologiques sérieuses», a expliqué à l'AFP Monica Blum, une responsable de l'Assistance sociale.

À la Casa Viva, une dizaine d'enfants âgés de 10 à 14 ans sont internés et soignés par une équipe de médecins, psychologues et éducateurs spécialisés en toxicomanie.

Allongé par terre, l'un d'eux en cure de désintoxication depuis peu est en pleurs et balbutie: «je veux aller chez moi».

Il racontera peu après que sa «maison» c'est la rue où il s'est réfugié depuis plusieurs années pour fuir les coups de sa mère.

Matheus, Josephi et Adrieli sont fiers quant à eux des progrès qu'ils ont faits depuis leur arrivée et participent avec enthousiasme aux activités.

«Je suis arrivée tellement droguée chez moi que j'ai tabassé ma grand-mère, mais après je lui ai dit: «j'ai besoin d'aide». Et elle m'a conduite ici. Quand je suis arrivée, je pesais 23 kilos, mais je vais mieux maintenant», se rappelle Adrieli, 14 ans. Elle raconte être entrée à 9 ans dans le monde de la drogue à cause de sa mère toxico.

Parallèlement au traitement, Matheus et Josephi se consacrent, l'un au football, l'autre au chant.

Les accros au crack ont en général un comportement étrange, parfois violent, clairement visible chez les enfants qui arrivent à la Casa Viva en provenance de favelas comme celle de Jacarezinho (zone nord). La semaine dernière, 38 adultes et 15 enfants de ce quartier ont été conduits dans des centres spécialisés.

Il en existe trois dans cette ville de 7 millions d'habitants, mais ils n'offrent que cent cinquante lits.

D'après une nouvelle loi, les autorités peuvent obliger les mineurs à se soumettre au traitement, mais les adultes doivent être volontaires. Dans la plupart des cas, ces derniers refusent.

«Si la dépendance est très grande, ils replongent», affirme l'assistante sociale Daphné Braga qui chemine vers la «Cracolandia» où se rassemblent les consommateurs de crack de la favela.

Certains, encore sous l'effet de la drogue, marchent mécaniquement jusqu'aux autobus qui vont les emmener.

D'autres résistent, comme Rosangela qui dormait sur des cartons sur le trottoir.

«Je n'y vais pas!» hurle-t-elle. «Vous ne pouvez pas m'y obliger», dit-elle, affirmant avoir été maltraitée lors d'une autre opération du genre.

La hausse de la consommation de crack au Brésil -où il n'y a pas de statistiques officielles- a conduit le gouvernement de l'ex-président Luiz Inacio Lula da Silva à lancer un plan national centré sur la réhabilitation des plus jeunes.

Adrieli, par exemple, se félicite de ses progrès et voit une lumière au bout du tunnel.

«Je veux être juge ou avocate pour que ma grand-mère soit fière de moi», dit la jeune fille qui, coquette, s'est mis un peu de fard rose sur les joues.