Huit personnes ont été tuées et une soixantaine blessées cette semaine lors de conflits sociaux dans le Pérou andin: un «champ de mines» laissé en héritage par le président Alan Garcia à son successeur de gauche, Ollanta Humala, qui prend ses fonctions fin juillet.

Cinq personnes ont été tuées, toutes par balles, et une trentaine blessées vendredi à Juliaca, ville de 200 000 habitants proche du lac Titicaca, à 1300 km au sud-est de Lima, lors du dernier épisode d'un conflit social qui s'embourbe depuis mai, a indiqué une source hospitalière.

Des heurts se sont produits lorsqu'un millier de manifestants, essentiellement des paysans de l'ethnie aymara, majoritaire dans cette partie de l'altiplano, ont été repoussés par la police antiémeute, après avoir pénétré dans l'aéroport dans l'intention d'investir la piste.

D'autres ont incendié du fourrage autour de l'aéroport, dégageant une fumée qui a paralysé les vols vers ce carrefour touristique près du Titicaca, le lac navigable le plus haut du monde, a constaté l'AFP. D'autres encore ont bloqué le pont de passage vers la région voisine de Cusco.

La région de Juliaca est en proie depuis plus d'un mois à une vague de protestations contre des projets miniers, pour des raisons à la fois environnementales et de retombées économiques locales.

Fin mai, quelque 15 000 personnes y avaient coupé les routes menant à la ville touristique de Puno, au bord du Titicaca.

Mardi à Huancavelica, dans le centre du pays, trois personnes avaient été tuées et 32 blessées, dans des heurts entre la police et des étudiants qui protestaient contre une loi qui prévoyait de réduire le budget de l'université d'État de cette ville pour en créer une autre dans l'agglomération proche de Tayacaja.

Dans les deux cas, les conflits s'enlisaient depuis des semaines.

«Il y a une inaction à tous les niveaux du gouvernement», a dénoncé dans la presse le médiateur péruvien Eduardo Vega, dont l'observatoire a recensé 227 conflits sociaux ou environnementaux début juin au Pérou, pays à forte croissance (5% en moyenne sur 10 ans) tirée par son secteur minier.

Vega a critiqué le bilan social du président sortant Garcia (centre-droit) qui doit céder le pouvoir le 28 juillet au nationaliste de gauche Humala.

Les conflits sociaux ont coûté la vie à 88 personnes en quatre ans, selon le médiateur.

Humala, qui va ramener la gauche au pouvoir au Pérou pour la première fois depuis 36 ans, s'est inquiété jeudi de cette fin de règne.

«À 40 jours environ de la passation de pouvoirs, je demande au président qu'il nous laisse un pays pacifié avec ces conflits sociaux résolus, et qu'il ne nous laisse pas un champ de mines», a-t-il lancé.

«Trois personnes sont mortes (à Huancavelica) pour une histoire de budget de 2 millions de soles (506.000 euros) et d'une université, des sujets qui dépendent du gouvernement et du pouvoir législatif. Il faudra une explication. Pour chaque Péruvien tué, il doit y avoir un responsable», a-t-il déclaré.

Humala, soutenu par ces provinces andines sous-développées où la pauvreté atteint 60% (contre 31% à l'échelle nationale), s'est engagé pendant sa campagne présidentielle à désamorcer en amont, par le dialogue, des conflits sociaux ou environnementaux, monnaie courante au Pérou.

Mais il lui faudra lutter contre l'«absence de culture de dialogue, à l'origine d'une forte crise de confiance» envers l'État et les entreprises minières, selon Rolando Luque, Médiateur spécialisé des conflits sociaux. Une absence de dialogue qui conduit souvent à la tragédie avant un compromis.

Ainsi, mardi à Huancavelica, le gouvernement a fini par débloquer le budget universitaire réclamé... dans les heures suivant les décès. Et vendredi soir, le gouvernement annonçait que des mesures seraient publiées samedi répondant en partie aux demandes des paysans de Juliaca.