Le président vénézuélien Hugo Chavez peut-il légitimement gouverner de Cuba, son alliée, où il est en convalescence après une opération d'un abcès pelvien? L'opposition pense que non, mais pour ses partisans peu importe qu'il se trouve dans l'île caribéenne ou «sur la lune».

Chavez, grand admirateur du père de la révolution cubaine Fidel Castro, est absent du Venezuela depuis le 5 juin. Parti en tournée latino-américaine, il a été opéré d'urgence cinq jours après à La Havane, et n'a pas encore communiqué sa date de retour au pays.

Cette situation inédite divise l'opposition et les partisans de Chavez qui ont rivalisé d'insultes mardi à l'Assemblée nationale, dans ce pays pétrolier très divisé politiquement depuis l'élection à la présidence en 1998 de l'ancien militaire, réélu ensuite à deux reprises.

«Dire que le président ne peut pas gouverner est aussi absurde que de dire qu'il ne peut pas signer d'accords ni de traités internationaux parce qu'il est à l'extérieur», a protesté le député du PSUV (Parti socialiste) au pouvoir, Carlos Escarra, avocat spécialiste de la Constitution vénézuélienne.

Chavez garde sa condition de chef de l'État «qu'il soit sur la lune ou à Pékin», a abondé la députée du même bord Iris Varela.

D'après la Constitution, le Parlement doit autoriser les sorties de plus de cinq jours du président hors du Venezuela. Il peut s'absenter au maximum 90 jours pendant lesquels le vice-président est censé assurer l'intérim. Après ce délai, le Parlement doit statuer sur le mandat du président.

Dans ce cas précis, Chavez, parti pour plus de cinq jours, a eu l'autorisation du Parlement, mais il continue de diriger le pays à distance, sans avoir transféré ses pouvoirs à son numéro deux, Elias Jaua.

Le président «ne peut pas exercer le pouvoir depuis l'extérieur», a plaidé le député d'opposition Omar Barboza.

Lundi, une loi controversée autorisant l'État à doubler sa capacité d'endettement a été publiée au journal officiel. Elle avait été promulguée par Chavez depuis La Havane.

Pour Enrique Sanchez Falcon, professeur de droit constitutionnel de l'Université centrale du Venezuela (UCV), c'est «absolument irrégulier de promulguer des lois depuis l'extérieur, puisque le siège du pouvoir public se trouve à Caracas».

«Le vice-président doit assumer provisoirement» le pouvoir, selon lui.

Le fait que Chavez soit en convalescence à Cuba irrite d'autant plus l'opposition qu'elle a dénoncé à plusieurs reprises l'influence présumée du régime communiste de l'île caribéenne sur le gouvernement vénézuélien, notamment de militaires cubains au sein de l'armée vénézuélienne.

Chavez, considéré comme le chantre du socialisme étatiste en Amérique latine, fait régulièrement l'éloge de Fidel Castro, resté près de 50 ans au pouvoir avant de céder le pouvoir à son frère Raul Castro en 2006 pour raisons de santé.

«Le Venezuela est une nation humiliée, qu'elle soit gouvernée par Chavez de Cuba ou par Fidel», s'est insurgée la députée d'opposition Maria Corina Machado.

Selon les députés proches du pouvoir, l'opposition n'a pas de coeur. «Au lieu de souhaiter le rétablissement du président, la droite est sortie tel un vampire ou une charogne pour voir ce qu'elle pouvait gagner», a estimé la députée du PSUV Cilia Flores.

Malgré un débat houleux, l'Assemblée nationale, où le pouvoir a la majorité, a autorisé le président à rester à Cuba «jusqu'à ce qu'il soit en condition de rentrer».

Un abcès pelvien est une accumulation de pus dans un organe dans la région inférieure de l'abdomen, due à 99% à une lésion d'un organe situé dans la même zone (rectum, urètre, vessie, anus, prostate).