L'ancien militaire de gauche, Ollanta Humala, a remporté dimanche le second tour de la présidentielle au Pérou, avec une avance de 5 à 5,4 points sur sa rivale Keiko Fujimori, fille de l'ex-chef d'État autoritaire, selon les sondages sortie des bureaux de vote.

L'ex-lieutenant-colonel de 48 ans obtiendrait entre 52,5 et 52,7% des voix, contre 47,3 à 47,5% pour la députée de droite populiste de 36 ans, selon les sondages des instituts CPI, Ipsos-Apoyo et Datum, diffusés par les télévisions péruviennes peu après la clôture du scrutin à 16h00 locales.

Sa victoire consacre le grand retour de la gauche au pouvoir, 36 ans après le régime militaire du général Juan Velasco Alvarado (1968-75), un nationaliste de gauche parvenu au pouvoir et chassé par des coups d'État.

Elle constitue aussi une revanche personnelle pour M. Humala, cinq ans après sa défaite contre le président sortant Alan Garcia (centre-droit), qui ne pouvait briguer un deuxième mandat consécutif.

Dans l'hôtel de Lima où il attendait les résultats, ses militants ont hurlé de joie et chanté «Pérou, Pérou, Pérou».

D'autres, le front ceint de bandeaux rouges et brandissant des drapeaux péruviens, convergeaient vers la «Plaza de Mayo», dans le centre de la capitale, où M. Humala devait se rendre dans la soirée.

«C'est une défaite du fascisme, nous devons la célébrer comme une grande victoire de la démocratie au Pérou», a déclaré à la radio CPN le prix Nobel de Littérature Mario Vargas Llosa, libéral de droite rallié au candidat de gauche par crainte du retour au pouvoir de l'entourage du père de Keiko Fujimori.

M. Humala avait aussi agité le spectre des excès des présidences d'Alberto Fujimori (1990-2000), emprisonné pour corruption et violations des droits de l'homme.

En 2000, il avait lui-même mené une rébellion militaire sans lendemain et sans effusion de sang contre Fujimori, sur le point de démissionner, qui lui avait valu un bref séjour en prison.

Alors que les sondages prédisaient un scrutin serré, le candidat de gauche a nettement devancé Keiko Fujimori, qui prônait la poursuite du modèle économique libéral, après une décennie de forte croissance (5% par an) ayant permis de réduire presque de moitié la pauvreté, à 31,3%.

M. Humala, d'origine indienne (quechua) comme 80% des Péruviens, prône une «grande transformation» du Pérou le rendant moins dépendant du secteur minier (or, argent, cuivre) et une meilleure répartition de la croissance, notamment en faveur des provinces andines reculées où la pauvreté atteint 60%.

«Nous avons besoin d'un changement. Les puissants récupèrent tout l'argent qui rentre et il ne reste rien pour les pauvres», a expliqué dimanché un électeurs, Luis Alberto Guzman, technicien de 49 ans.

Les envolées de M. Humala contre les «pouvoirs économiques» ou ses propositions de taxe des profits miniers ont en revanche inquiété la Bourse, qui a chuté chaque fois qu'il progressait dans les sondages.

L'ancien militaire, vainqueur du premier tour avec 31% des voix, a pourtant tempéré son discours et s'est distancié du socialisme radical du président du Venezuela Hugo Chavez, dont le soutien lui avait coûté l'élection en 2006.

M. Humala, marié à Nadine Heredia et père de trois enfants, devra forger des alliances au parlement, où son Parti nationaliste, première formation, n'a que 47 sièges sur 130.

Dimanche, il s'est aussi engagé à lutter «avec acharnement» contre les restes du Sentier lumineux, au lendemain de la mort de cinq soldats dans une embuscade de cette guérilla désormais alliée aux narcotrafiquants, dans le sud-est du pays, deuxième producteur de cocaïne au monde.