Un rapport commandé par l'Agence américaine d'aide au développement (USaid) met en doute le bilan officiel du séisme du 12 janvier 2010 à Haïti. Le nombre de victimes serait plutôt de 46 000 à 85 000 personnes, et non de 200 000 à 250 000, comme le soutiennent les autorités haïtiennes. S'il était confirmé, ce nouveau bilan pourrait avoir un impact majeur sur la reconstruction du pays, un an et demi après le tremblement de terre.

Réalisé d'après le travail de terrain d'une firme externe, le rapport, qui n'est pas définitif, contient toutefois quelques «incohérences» qui font l'objet d'un examen, a précisé le département d'État à l'AFP. USaid a pour sa part précisé que le document ne vise pas à refaire le bilan des victimes, mais plutôt à évaluer l'efficacité du déblaiement.

De leur côté, les autorités haïtiennes ont refusé de commenter ce bilan. «J'attends une version officielle de ce rapport. J'ai l'impression que c'est un brouillon qui est cité. Est-ce que c'est officiel? Est-ce que ça a été présenté au gouvernement? Il manque des informations», a dit hier le consul d'Haïti à Montréal, Pierre-Richard Casimir. Chose certaine, selon M. Casimir, les besoins pour la reconstruction sont encore criants, et la tâche du nouveau gouvernement est gigantesque. «On s'attend à une nouvelle dynamique avec le nouveau gouvernement», dit-il, optimiste.

L'aide internationale remise en question?

Évaluations structurelles et déblaiement des débris dans les quartiers d'Haïti touchés par le séisme, le rapport, s'il confirmait ces données, pourrait avoir des conséquences importantes sur l'aide à la reconstruction du pays, croient certains observateurs. La communauté internationale avait promis près de 11 milliards de dollars. «La malice populaire croit qu'on minimise le nombre de victimes pour réduire l'engagement international, observe Pierre Emmanuel, rédacteur en chef de la station CPAM, la radio haïtienne de Montréal. C'est tiré par les cheveux. L'ampleur des destructions matérielles ne saurait être remise en question.»

Près de 700 000 personnes vivent toujours dans des situations d'urgence, selon la Croix-Rouge canadienne. La reconstruction avance petit à petit. «L'an dernier, on parlait de 1,2 à 1,6 million de personnes dans des situations d'urgence. Une partie d'entre elles ont pu se reloger. Mais l'un des grands défis (du nouveau gouvernement) va être de régler les enjeux liés aux terres, au cadastre. Ça va être de trouver des solutions immédiates, rapides, mais qui soient quand même décentes», dit Jean-Philippe Tizi, directeur des opérations pour Haïti de la Croix-Rouge canadienne.

Des camps d'urgence difficiles à démanteler

Le rapport met aussi en doute les derniers chiffres de l'ONU sur le nombre de personnes qui vivent dans la rue, estimé à 630 000. Selon le rapport, la réalité serait plutôt de 5 à 10% de ce chiffre. Les camps d'urgence ont eu un effet pervers. En offrant des services (eau courante, électricité) à une population qui n'y avait pas accès avant le tremblement de terre, les camps se pérennisent.

«Plusieurs personnes vivent dans les camps même si elles peuvent en sortir, dit Andréanne Martel, chercheuse à l'Observatoire sur les missions de paix et opérations humanitaires de la chaire Raoul-Dandurand. Il y a une économie du camp qui se met en place, une communauté et un espace politique qui se recrée. Les ONG ne sont pas habituées à une crise urbaine comme celle-là. Ça va être difficile à briser.»