Organisés en petits groupes, des paysans bloquent une route stratégique entre le Pérou et la Bolivie pour protester contre un projet minier près du lac Titicaca, en écoutant la radio. «On nous a dit que les militaires venaient», disent-ils prêts à en découdre.

Depuis une semaine, des centaines de paysans du sud du Pérou, en majorité des autochtones aymaras, ont dressé des barrages sur des routes et des ponts à l'aide de pierres, de barbelés, de bouts de bois et de verre pilé pour dénoncer un projet de mine d'argent de Bear Creek Company.

Le groupe canadien espère entamer ses opérations en 2012 dans ce gisement, dont les réserves prouvées et probables s'élèvent à 63 millions d'onces d'argent, selon lui.

Sur son site internet, il assure aussi travailler étroitement «avec les communautés locales pour garantir que le projet est développé de manière à optimiser une croissance durable pour la région».

«Nous nous opposons au projet minier Santa Ana, parce qu'il va polluer le fleuve Desagüadero et le lac Titicaca», qui s'étend sur 8 500 kilomètres carrés à plus de 3 800 m d'altitude dans le sud-est du Pérou, rétorque Hermes Cauna Morales, un des dirigeants du mouvement.

La région de Puno, où il sera implanté, vit essentiellement de l'agriculture, selon Walter Aduviri, président du Fonds de défense des ressources naturelles de Puno. «Nous produisons des pommes de terre, du quinoa, nous élevons aussi des vaches et des alpagas», détaille-t-il.

Un demi-millier de camions sont bloqués à la frontière à environ 1 200 km au sud-est de Lima, a constaté l'AFP. Environ 300 touristes ont en revanche pu quitter la zone à bord de bateaux sur le Titicaca.

La situation est calme, mais le président péruvien Alan Garcia a menacé mardi de recourir à la force.

«Ces désordres ont pour objectif de mettre la société, et dans ce cas la Bolivie, au pied du mur avec un pistolet sur la tempe. «Donne-moi ce que je veux ou je continue à bloquer!». Une commission s'est rendue sur place, mais sinon, comme toujours, la police devra agir avec sévérité», a-t-il averti.

«Le gouvernement d'Alan Garcia veut un autre Bagua», estime Aduviri, en référence à une tentative de levée par la police d'un barrage routier érigé par des Indiens d'Amazonie qui avait fait 34 morts en juin 2009.

Le mois dernier, des heurts entre police et manifestants protestant contre un projet de mine de cuivre dans le sud du pays ont encore fait trois morts et près de 50 blessés. Dans la foulée, le gouvernement a annulé le projet.

Mais pour l'heure, le président Garcia affiche sa fermeté.

«Si vous interdisez toute exploitation minière, il y aura une grève encore plus grande des mineurs et ouvriers», a-t-il lancé mardi.

La mine est le poumon économique du Pérou, premier producteur mondial d'argent, 2e de cuivre et de zinc, 5e d'or.

À Desagüadero, ville de 20.000 habitants à cheval des deux côtés de la frontière, la partie péruvienne est jonchée de barbelés et de barres de fer pour empêcher tout trafic automobile.

Les commerces sont fermés et les habitants s'organisent pour se ravitailler.

Du côté bolivien, des dizaines de Péruviens, de commerçants et de touristes attendent de pouvoir entrer au Pérou.

«Je suis là depuis plusieurs jours, je survis avec le peu d'argent qu'il nous reste, en mangeant ce qu'il y a (...) Le gouvernement doit faire preuve de fermeté», dit Wiliam Gonzalez, un Péruvien qui était venu rendre visite à des proches à La Paz en Bolivie.

La directrice du Tourisme de la région de Puno, Lourdes Abarca, affirme pour sa part que le secteur a perdu «plus d'un million de dollars» à cause de ce mouvement.