Michel Martelly, qui doit être officiellement désigné mercredi nouveau président d'Haïti, s'inquiète de «la lenteur désespérante» de la reconstruction de l'île, mais faute de majorité claire, il n'aura pas les coudées franches pour mener la rupture promise.

Signe de l'importance cruciale de la relation avec les États-Unis pour le pays le plus pauvre des Amériques, le nouvel élu a quitté Haïti mardi, avant même la proclamation des résultats, pour une visite de trois jours à Washington.

Crédité de 67% des suffrages au second tour, selon les résultats préliminaires dévoilés il y a deux semaines, Michel Martelly n'a fait élire que trois députés de son parti au parlement, selon les estimations.

Dans une chambre basse éclatée, seul le parti Inité du président sortant René Préval, arrive à tirer son épingle du jeu, avec environ 34 députés - sur 99-, selon le chef de cette formation, le sénateur Joseph Lambert.

M. Lambert a indiqué à l'AFP qu'Inité était actuellement en train de négocier avec d'autres groupes politiques en vue de former une coalition majoritaire au parlement.

Le président haïtien devant faire approuver son Premier ministre et son gouvernement par le parlement, il apparaît de plus en plus probable que l'administration de «Tet Kalé» (crâne chauve), comme M. Martelly est surnommé, soit fortement influencée par Inité. Même chose au sénat: sur les 30 sénateurs de la chambre haute, 16 proviennent du parti de M. Préval, selon M. Lambert.

Aucune heure précise n'a encore été fixée par le Conseil électoral provisoire (CEP) pour la présentation des résultats définitifs des législatives et de la présidentielle, qui ont déjà été reportés à deux reprises.

Si la victoire de M. Martelly n'est pas contestée, les législatives sont beaucoup plus serrées et la publication des résultats laisse craindre des violences dans certaines régions, comme c'est le cas depuis les résultats préliminaires.

A Port-au-Prince, la situation était calme et aucun dispositif de sécurité spécial n'était visible autour du CEP mercredi, a constaté l'AFP.

Sans expérience politique et souvent raillé pour son passé grivois, M. Martelly, 50 ans, s'est efforcé ces derniers temps de démontrer qu'il a bien l'intention de tenir ses engagements de rupture.

Après un entretien avec lui mercredi, la secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton a loué «son insistance sur le peuple et ses besoins, sa volonté d'être clair sur ce qu'il espérait réussir au nom des Haïtiens.»

M. Martelly a rappelé de son côté la lourdeur du fardeau porté par ses concitoyens: 1,7 million d'entre eux vivent encore sous des tentes, 15 mois après le séisme de janvier 2010. L'épidémie de choléra n'est pas jugulée, et «16 ouragans sont prévus pour l'été» à partir de juin.

Tributaire de l'aide internationale depuis des décennies, Haïti est souvent décrit, y compris par l'ONU, comme «une république d'ONG» où l'action gouvernementale est concurrencée par les organisations présentes dans le pays.

La reconstruction d'Haïti n'en est pas moins «d'une lenteur désespérante», a déploré Michel Martelly, qui a parlé de «restructurer l'aide».

Selon plusieurs sources proches du président-élu, l'équipe de transition de M. Martelly est déjà à l'oeuvre pour planifier les projets prévus dès sa prise de fonction, au plus tard le 14 mai, afin d'aboutir à des résultats concrets dans les 100 premiers jours de son mandat.