Le Mexique est de nouveau secoué par l'apparition d'un charnier contenant 72 cadavres. La nouvelle est tombée mercredi soir, en même temps que s'achevait une mobilisation massive contre la violence des narcotrafiquants et les conséquences meurtrières de la riposte militaire du gouvernement. Cela s'est passé à San Fernando, dans le Nord-Est, à l'endroit même où 72 migrants avaient été massacrés en août dernier. Cette fois-ci, par contre, les victimes ne seraient pas des migrants, raconte notre collaboratrice.

À nouveau, l'horreur. À nouveau, des dizaines de corps qui apparaissent en pleine campagne. Plus tôt cette semaine, les autorités judiciaires de l'État de Tamaulipas, dans le nord-est du Mexique, ont repéré plusieurs fosses contenant au total 72 cadavres, selon un dernier bilan dévoilé par les autorités vendredi.

La macabre découverte s'est produite dans la municipalité de San Fernando, tristement célèbre pour le massacre de 72 migrants centraméricains et sud-américains par le cartel des Zetas, en août dernier. Alors qu'ils se dirigeaient vers la frontière avec les États-Unis, les migrants avaient été enlevés par les narcotrafiquants, qui voulaient les obliger à travailler pour eux. Les sans-papiers ont refusé et ont été criblés de balles par leurs ravisseurs.

Pourtant, dans le cas de ce nouveau charnier, qui daterait d'il y a au moins 10 mois, rien n'indique que les victimes seraient des migrants, d'après les premières analyses des autorités. Hier 14 personnes ont été arrêtées pour leur implication présumée dans l'assassinat des 72 personnes à San Fernando.

Les nombreuses «narcofosses» découvertes au cours des derniers mois au Mexique sont un signe de l'extrême violence pratiquée par les cartels et renvoient aussi à la problématique des disparitions forcées. Le Groupe de travail sur les disparitions forcées de l'ONU et la Commission nationale des droits de l'homme (CNDH), un organe gouvernemental, ont dénoncé de concert l'ampleur du phénomène la semaine dernière. D'après la CNDH, 5397 disparitions forcées sont survenues depuis 2006, depuis que le président Felipe Calderon a lancé son offensive contre les cartels.

Toutes ne sont pas liées au crime organisé, mais le nombre de disparitions a considérablement augmenté au cours de ces quatre dernières années. En outre, 8898 corps, dont un grand nombre sont des victimes de la guerre des cartels, n'ont pas encore été identifiés.

«On ne me dit rien»

«Je suis prête à affronter leur mort. Ce que je n'accepte pas, c'est qu'on ne me dise rien», raconte Gloria Aguilar lors d'un entretien à La Presse, montrant des photos de son mari et ses deux fils, disparus en septembre 2008. Depuis lors, cette habitante de Monterrey, ville du nord du Mexique frappée de plein fouet par les affrontements entre cartels, remue ciel et terre pour retrouver sa famille. Ils étaient tous trois policiers, affectés à la circulation, mais les autorités n'ont pas daigné enquêter sur leur disparition.

Après avoir mené l'enquête de son côté, Gloria les soupçonne d'être impliquées. «On me dit qu'il s'agit d'un règlement de comptes du crime organisé, mais mon mari et mes fils n'ont rien à voir avec ces milieux-là, je n'y crois pas!» se désespère-t-elle. L'été dernier, elle s'est rendue sur les différents sites où ont été découvertes des «narcofosses» dans les environs de Monterrey. Au total, 70 corps ont été exhumés en juillet. «Heureusement, mon mari et mes fils n'y étaient pas...»

Dans les cas de disparitions forcées, hormis les narcotrafiquants, les policiers fédéraux et les militaires sont régulièrement montrés du doigt. À l'issue de sa mission au Mexique, le Groupe de Travail sur les Disparitions Forcées de l'ONU a dénoncé l'implication croissante des militaires dans ce genre d'affaires et a recommandé le retrait de l'armée des opérations de sécurité publique. Pour lutter contre les cartels, le président Calderon avait en effet opté pour la stratégie militaire, en déployant 50 000 soldats, en particulier dans les villes du Nord.