Costumes extravagants, percussions assourdissantes, chars monumentaux et «passistas» (danseuses) revêtues de leurs seules paillettes: les défilés spectaculaires du Carnaval de Rio sont sur la ligne de départ.

Dans les nuits de dimanche et de lundi, les douze meilleures écoles de samba de la ville se disputent le titre convoité de «championne du carnaval», un spectacle diffusé par les télévisions du monde entier.

Elles défilent devant un public de 70 000 privilégiés sur le Sambodrome, une avenue de 700 mètres bordée de gradins à ciel ouvert et de loges pour VIP.

Plus de 800 000 touristes brésiliens et étrangers ont afflué à Rio et devraient rapporter près de 900 millions de dollars aux hôtels, bars et restaurants de la ville, selon la municipalité.

Dans un pays aux prises pendant une semaine avec la folie du carnaval, ces défilés sont à la fois une manifestation de fierté pour l'immense population des favelas, une apothéose et une compétition suivie avec la même passion que les grands matchs de football.

Dans chaque école, la tension est vive. Elles ont dépensé jusqu'à 5 millions de dollars pour préparer leur défilé, traditionnellement financé par la mafia des jeux clandestins, mais de plus en plus parrainés par des grandes marques.

À un mois du défilé, un incendie a ravagé la Cité de la samba qui abrite les ateliers où sont fabriqués chars et costumes, dans la zone portuaire, atteignant trois écoles.

«Nous avons dû repartir à zéro et refaire en un mois le travail de toute une année. Seule l'envie débordante des danseurs de défiler n'est pas partie en fumée», a déclaré à l'AFP les larmes aux yeux, Caê Rodrigues, metteur en scène du défilé de Grande Rio.

Exceptionnellement cette année, ces trois écoles ne seront pas notées par les jurés qui jugent chaque défilé sur dix critères très stricts (chars, costumes, rythme, percussions...).

Sans attendre ces deux nuits de fête, le carnaval populaire a déjà envahi les rues du Brésil.

Samedi, malgré une pluie battante, près de deux millions de fêtards du traditionnel «bloco» (groupe carnavalesque) Bola Preta se sont emparés des avenues du centre en chantant et dansant la samba dans une ville désormais plus sûre après la pacification des favelas les plus violentes.

Quelque 50 000 policiers ont été mobilisés pour maintenir la sécurité à Rio, une des villes les moins sûres du pays, choisie pour accueillir les jeux Olympiques de 2016.

«Tout le monde se mélange, il n'y pas de différences entre les classes sociales. Tout le monde est là avec la même envie de s'amuser», a déclaré une jeune carnavalière affublée d'une perruque afro et d'énormes lunettes de soleil à la monture jaune.

Samedi soir, c'est la «Banda d'Ipanema», réputée pour ses travestis, qui a donné le ton dans ce quartier résidentiel et touristique.

C'est un «bloco» où «il n'y a pas de préjugés», a dit à l'AFP Leandro, une «drag queen» de 50 ans. Résumant l'esprit de ce carnaval, son ami Serge, ajoute : «tout le monde a le droit de faire ce qu'il veut, dans le respect de l'autre».

À l'exemple de Rio, c'est tout le Brésil, un pays de 193 millions d'habitants et aujourd'hui la septième économie du monde, qui s'arrête pendant une semaine, emporté du Nord au Sud par la folie du carnaval, une tradition de plus de 150 ans.

Prévoyant, le gouvernement a distribué gratuitement dans tout le pays 85 millions de préservatifs.