Être psychologue pour enfants est sans doute un métier éprouvant partout dans le monde, mais à Ciudad Juárez, c'est carrément dangereux.

Depuis quatre ans, la guerre de la drogue a donné 10 000 orphelins à la ville mexicaine. Plusieurs d'entre eux souffrent de choc post-traumatique. La psychologue Veronica Castillo, 35 ans, s'est donné pour mission de les aider. Malgré les risques. «On a affaire à des enfants qui ont vu leurs parents mourir. Ils détiennent peut-être de l'information que les tueurs ne veulent pas qu'ils passent.»

Elle a pris des précautions. De la rue, rien n'indique que l'ancienne école dont elle occupe désormais quelques classes a été convertie en centre de crise. Elle ne fait pas de publicité. Tout fonctionne par le bouche à oreille.

Jusqu'à récemment, Mme Castillo avait son bureau privé, dans un immeuble qu'elle partageait avec d'autres locataires. «Ils sont tous partis les uns après les autres.» À cause de la violence qui sévit au centre-ville, mais aussi des vols et de l'extorsion. À la fin, la psychologue s'est retrouvée seule dans l'immeuble.

Une nuit, des voleurs se sont emparés de son disque dur. Avant de partir, ils ont disposé sa collection de poupées de telle manière qu'elles semblaient participer à un viol collectif. «Je ne sais pas s'ils s'ennuyaient ou s'ils avaient envie de se montrer créatifs, mais j'ai pris ça comme un message.»

Elle a quitté l'immeuble.

Son métier en vaut-il le risque? «Il n'y a aucun travail sûr à Juárez. On peut vendre des cigarettes au coin de la rue et se faire descendre.»

Et puis c'est un risque qu'il faut prendre. Pour les enfants, et pour le salut de sa ville. «J'ai un jeune patient qui a vu toute sa famille se faire massacrer devant lui. Il a des cauchemars et des fantasmes de vengeance. Peut-être y a-t-il 10 000 enfants qui ont les mêmes fantasmes à Juárez.»