La crise politique s'accentuait vendredi en Haïti, un candidat écarté de l'élection présidentielle menaçant d'appeler à de nouvelles manifestations, tandis que les États-Unis accroissaient leur pression sur un pouvoir accusé de bloquer la transition démocratique

Cinq jours après son retour surprise en Haïti, l'ancien dictateur Jean-Claude Duvalier ajoutait quant à lui à la nervosité ambiante en gardant le silence sur ses intentions, tout en faisant désormais l'objet d'une enquête des autorités pour des crimes contre l'humanité commis sous sa présidence (1971-86).

Le chanteur populaire Michel Martelly, arrivé troisième au premier tour de l'élection présidentielle du 28 novembre, a menacé lors d'une conférence de presse d'appeler ses partisans à descendre dans la rue si le Conseil électoral n'accepte pas les recommandations d'experts internationaux qui ont suggéré de lui accorder la deuxième place.

S'il obtenait satisfaction, cela signifierait que M. Martelly serait opposé au deuxième tour à une ancienne Première dame, Mirlande Manigat, et surtout que le candidat du pouvoir, Jude Célestin, serait écarté de la course.

Selon l'Organisation des États américains (OEA), qui a enquêté sur les résultats du premier tour, M. Célestin a bénéficié de fraudes qui lui ont permis d'accéder de justesse à la deuxième place selon les résultats provisoires annoncés début décembre. Ces résultats avaient provoqué des manifestations violentes de la part des partisans de M. Martelly.

Le président sortant René Préval, qui doit abandonner le pouvoir le 7 février, n'a toujours pas réagi aux recommandations de l'OEA, malgré les pressions de la communauté internationale. Ces pressions se sont encore accrues vendredi, Washington ayant annoncé la révocation des visas d'un certain nombre de «responsables gouvernementaux» haïtiens.

Des médias haïtiens avaient rapporté auparavant que cette mesure frappait une dizaine de membres du parti de Jude Célestin.

Jeudi, Washington avait déjà exigé que le gouvernement haïtien respecte les recommandations de l'OEA. En réponse, le Premier ministre Jean-Max Bellerive a confié qu'il ne «comprenait pas» ces pressions, «à moins que quelqu'un ne cherche à nous imposer un résultat spécifique».

De son côté, Jean-Claude Duvalier n'a toujours pas expliqué son retour au pays après 25 ans d'exil en France.

Selon Amnesty International, il fait désormais l'objet d'une enquête de la justice haïtienne pour crimes contre l'humanité. Quatre plaintes en ce sens ont été déposées mercredi à Port-au-Prince.

L'ancien dictateur a déjà été inculpé mardi de corruption, de détournements de fonds publics et d'association de malfaiteurs, commis sous sa présidence. Les autorités lui ont dès lors signifié une «interdiction de quitter le pays», selon des sources judiciaires.

Depuis son arrivée à Port-au-Prince dimanche, l'ex-dictateur n'a pas pris la parole devant la presse pour expliquer les raisons de ce retour si ce n'est pour préciser, en arrivant à l'aéroport, qu'il était venu «pour aider» le pays, un an après le séisme qui a tué plus de 220 000 personnes.

Pour ajouter à l'incertitude ambiante, l'ex-président Jean-Bertrand Aristide, en exil en Afrique du Sud depuis 2004, a indiqué via son avocat qu'il cherchait par tous les moyens à revenir au pays. Mais jusqu'à maintenant, les autorités haïtiennes n'ont pas renouvelé son passeport.