«Je tiens ma plume pour dire quelque chose d'important.»

Ainsi commence la lettre de Jacqueline Jean-Baptiste, qui vit dans un camp de Port-au-Prince comme des milliers de Haïtiens depuis le tremblement de terre du 12 janvier 2010.

Si elle a pris la plume, c'est à l'invitation de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), qui a installé dans les camps des boîtes à suggestions pour y améliorer les conditions de vie.

En quelques semaines, plus de 3000 lettres touchantes ont été déposées dans les boîtes. Dix d'entre elles ont été retenues, et le Montréalais Daniel Desmarais a photographié leurs auteurs. Le tout a été consigné dans un ouvrage intitulé La voix des sans-voix, qui sera distribué dans les missions de l'OIM.

Ce que Mme Jean-Baptiste avait d'important à dire, c'est qu'elle n'a plus rien. «Je ne travaille pas, car mon commerce est disparu. Je dois compter sur le soutien de mes voisins dans le camp Boulosse, où la vie est très difficile. Quand il pleut, toutes mes affaires se mouillent et je dois attendre que la pluie cesse pour pouvoir enfin dormir.»

Enceinte, Choucoune Denièse s'inquiète, elle, de son anémie, de ne pas avoir assez à manger et de ne pas travailler. «Je pensais que l'on aurait déjà organisé les emplois que l'on nous a promis, ainsi, j'aurais pu prendre soin de moi et préparer mon accouchement, mais il n'y a toujours rien et maintenant, je vais accoucher. J'aimerais avoir ma propre tente.»

Les auteurs des lettres exposent leurs demandes en y allant de telles formules de politesse qu'elles jurent parfois avec l'ampleur de leurs besoins. «La faim nous tue, (...) nous vous prions de faire quelque chose pour nous selon votre guise», écrit par exemple Venette Altime.

Souvent, les signataires ne réclament rien de précis, mais ils saisissent l'occasion qui leur est offerte d'exposer leur situation. Guetty Octelene résume la sienne en très peu de mots, fort évocateurs: «Beaucoup de poussière, beaucoup de soleil, beaucoup de gros vents, pas de travail, pas d'argent, pas de quoi manger.»

«Nous mangeons la poussière, dit aussi Amboise Fleuristil. Nous voulons retourner chez nous. Comment pouvez-vous nous aider?»