Record de victimes dans la «guerre des cartels» de la drogue au Mexique, raids policiers dans les favelas de Rio, «bandes» de jeunes tueurs d'Amérique centrale qui vouent un véritable culte à la mort: l'Amérique latine a encore payé un lourd tribut au crime en 2010.

La région est deux fois plus meurtrière que n'importe quelle autre au monde, et cela depuis une dizaine d'années, souligne le directeur de l'Institut des droits de l'Homme de l'Université centraméricaine du Salvador, Benjamin Cuellar.

Le chiffre le plus impressionnant vient du Mexique: près de 15 000 homicides depuis le 1er janvier 2010, d'après les chiffres officiels.

C'est un nouveau record, régulièrement battu depuis la prise de fonctions du président Felipe Calderon, qui a déclenché dès son arrivée au pouvoir en décembre 2006 une offensive sans précédent contre les trafiquants, en lançant 50.000 militaires sur le terrain.

Des coups sérieux ont été portés aux «narcos», dont deux grands chefs ont été abattus, le dernier la semaine dernière, et d'autres mis sous les verrous.

Mais le bilan s'élève depuis à plus de 30 000 morts dans ce qu'on appelle la «guerre des cartels» pour le contrôle du trafic, entre règlements de comptes et affrontements contre les policiers ou les militaires.

Les trafiquants ne se tuent pas qu'entre eux, et les journalistes font partie des victimes collatérales, au point que le Mexique est le pays le plus dangereux pour l'exercice du métier sur ce continent: 69 morts depuis 2000, 12 depuis le début de l'année, selon Reporters sans frontières (RSF).

La drogue, enfin, n'est pas le seul objet de trafic pour les cartels, qui pratiquent aussi celui des êtres humains: celui des «Zetas» a massacré en août 72 émigrants clandestins qu'il avait enlevés à quelques kilomètres de la frontière américaine.

Ces organisations veulent se réserver un monopole local, régional voire international sur le trafic, et cherchent pour cela à s'arroger le contrôle d'une région, d'une «route», voire d'un quartier: les récents raids de la police à Rio visaient à reprendre le contrôle de «favelas» aux gangs.

«Il y a encore cinq ans, on parlait séparément des cartels, des «maras» ou des bandes, des ravisseurs, contrebandiers ou trafiquants d'émigrants, mais maintenant toutes ces violences semblent converger au sein d'organisations criminelles intégrées», a expliqué à l'AFP le secrétaire général de l'Organisation des États américains (OEA), José Miguel Insulza.

«Nous vivons dans une région où la mort franchit les frontières», renchérit Benjamin Cuellar.

Une région aussi où la mort a un statut particulier, hérité peut-être des religions précolombiennes où les sacrifiés se rapprochaient des dieux.

Difficile d'associer aux anciens Mayas ou Aztèques les atrocités des cartels mexicains qui décapitent ou démembrent leurs rivaux: on est là dans le cadre d'une campagne macabre de «communication» destinée à impressionner la concurrence et terroriser la population. Facundo Rosas, commissaire de police, y voit toutefois «une relation avec des cultes ésotériques».

Il est vrai qu'au Mexique les trafiquants continuent de faire leurs dévotions à «la Sainte Mort», représentée comme une sainte catholique, et dressent des autels à Jesus Malverde, un bandit devenu une légende.

Le rituel de la mort est aussi omniprésent chez les jeunes tueurs tatoués des «Maras» du Salvador, et au Venezuela les tueurs à gages demandent à la «Vierge de Sabaneta» de leur la précision dans leurs tirs.