L'ancien dictateur argentin Jorge Videla (1976-1981) a été condamné à la prison à vie mercredi par un tribunal de Cordoba (centre) pour l'exécution d'opposants et d'autres crimes contre l'humanité, au terme de son premier procès depuis 25 ans.

L'ancien général, âgé de 85 ans, avait déjà été condamné à la perpétuité en 1985 lors d'un procès historique de la junte militaire pour les crimes commis sous la dictature (1976-1983), qui a fait 30.000 disparus, selon les organisations de défense des droits de l'homme.

Mais la peine avait été effacée en 1990 par une grâce de l'ex-président Carlos Menem, qui a à son tour été déclarée anticonstitutionnelle en 2007, une décision confirmée par la Cour suprême en avril. Cette dernière avait également abrogé les lois d'amnistie des crimes de la dictature en 2005.

Depuis, plusieurs procédures ont été engagées contre Jorge Videla, fervent catholique qui faisait figure de modéré avant de prendre la tête du putsch du 24 mars 1976 contre le gouvernement d'Isabel Martinez de Peron et de diriger le pays jusqu'en 1981. Ces années ont été les plus dures du régime militaire.

A Cordoba (centre), l'ancien général moustachu était jugé depuis début juillet avec 29 autres personnes pour l'exécution de 31 détenus politiques.

Parmi les accusés, l'ancien général Luciano Menendez a été condamné pour la quatrième fois à la prison à perpétuité pour violation des droits de l'Homme.

Au total, le tribunal a prononcé 16 peines de prison à vie, a condamné sept accusés à des peines de 6 à 14 ans et en a relaxé sept autres.

Des preuves suffisantes ont été réunies «pour affirmer que (Jorge Videla) était le plus haut responsable de l'élaboration de ce plan d'élimination des opposants appliqué par la dictature militaire», avait estimé la semaine dernière, le procureur Maximiliano Hairabedian.

«J'assume pleinement mes responsabilités. Mes subordonnés se sont contentés d'obéir à des ordres», avait pour sa part déclaré l'ancien homme fort du régime militaire à la veille du verdict.

Il devra purger sa peine dans une prison civile et non militaire.

Jorge Videla a toujours nié les violations flagrantes des droits de l'homme commises sous la dictature (tortures, vols de la mort d'où étaient jetés vivants des dissidents) et revendiqué «l'honneur de la victoire dans la guerre contre la subversion marxiste».

Poursuivi pour vols de bébés d'opposants, un crime non couvert par la grâce de 1990, il avait déjà été placé en arrêt domiciliaire de 1998 à 2008, avant d'être transféré en détention préventive dans l'attente de ses multiples procès fin 2008.

Dès 2001, il avait aussi été poursuivi pour sa participation au Plan Condor, mis sur pied conjointement par les dictatures d'Argentine, du Chili, du Paraguay, du Brésil, de la Bolivie et de l'Uruguay en vue d'éliminer leurs opposants.

Videla a eu sept enfants avec sa femme. Le troisième d'entre eux, décédé à l'âge de 19 ans en 1971, était handicapé mental et a été placé un temps dans une institution spécialisée où travaillait Léonie Duquet, l'une des deux religieuses françaises disparues pendant la dictature avec Alice Domon.

Le procès du principal suspect de leur enlèvement et de leur meurtre, l'ex-capitaine de la marine argentine, Alfredo Astiz, surnommé l'«ange blond de la mort», a débuté il y a un an à Buenos Aires.

Au total, 150 anciens membres des forces de l'ordre ont été condamnés pour violations des droits de l'homme commises sous la dictature, selon le centre d'information judiciaire.