Le parlement vénézuélien sortant, contrôlé en quasi-totalité par les partisans du président Hugo Chavez, a donné un coup d'accélérateur en adoptant de nombreuses lois cruciales avant que les députés d'opposition n'y entrent en force en janvier.

Des lois créant un «pouvoir populaire» parallèle aux institutions existantes, des textes sur le secteur bancaire ou l'administration ont été votés ces dernières semaines par l'Assemblée nationale monocamérale.

Deux autres lois controversées sont à l'ordre du jour, une sur les télécommunications et une autre dite de «responsabilité sociale en radio et télévision», qui régule aussi l'internet.

Plus inquiétant, selon l'opposition, le chef de l'Etat au pouvoir depuis 1999 a sollicité des pouvoirs exceptionnels de l'Assemblée qui doit les lui accorder jeudi. Il pourra ainsi légiférer par décret pendant un an.

Selon le gouvernement, ces pouvoirs permettront de prendre des décisions rapides pour améliorer le sort de 130 000 sinistrés après des pluies diluviennes qui ont fait 38 morts ces dernières semaines.

M. Chavez «a fait cette demande pour douze mois dans le but d'obtenir des lois nécessaires pour faire face à cette profonde crise», a déclaré le vice-président Elia Jaua.

Mais l'opposition accuse le président socialiste d'ignorer le choix des Vénézuéliens qui ont élu 67 députés d'opposition sur 165 au parlement (soit 40% de la chambre) aux législatives de septembre. La nouvelle Assemblée doit prendre ses fonctions le 5 janvier.

C'est une «gestion abusive de la tragédie», a estimé Ismael Garcia, un des rares députés d'opposition du parlement sortant. «L'opposition», un conglomérat de partis allant du centre gauche à la droite, s'était marginalisée elle-même en 2005 en boycottant le scrutin législatif.

Selon le projet de loi, M. Chavez pourra signer des décrets dans les domaines des finances, des infrastructures et du logement, de la sécurité, de la défense nationale, du système socio-économique, de la coopération internationale, de l'utilisation de la terre et de l'aménagement du territoire.

Réélu à trois reprises en onze ans, Hugo Chavez a déjà utilisé des pouvoirs exceptionnels en 2000, 2001 et 2008, faisant passer une centaine de lois dont celle sur la nationalisation de secteurs clefs de l'économie comme le pétrole.

«Nous demandons de mettre un frein à l'approbation de lois», «pour que les gens, les électeurs et la Constitution soit respectée», a déclaré Julio Borges, député de l'opposition élu en septembre.

«Il faut donner la possibilité aux nouveaux députés qui représentent la pluralité du pays, de débattre et de discuter de lois importantes pour les Vénézuéliens», a plaidé pour sa part le gouverneur de l'État de Miranda, Henrique Capriles.

Selon le projet de loi sur la «responsabilité sociale», tout média diffusant des messages qui «incitent à la haine et à l'intolérance», encouragent un délit ou un homicide, et se rendent coupables de manipulations créant des troubles, sera sanctionné.

«On ne peut permettre qu'un serveur internet, protégé par le bouclier de la liberté d'expression, autorise la réalisation de forums où l'on incite à la haine sociale ou à l'assassinat de citoyens», a déclaré le vice-président pour expliquer le texte.

Mais pour la Coalition de l'Unité démocratique (MUD), qui regroupe les divers partis d'opposition, la nouvelle loi représente «une grave menace contre la liberté d'expression et le droit de l'information».